Avocat à la Cour d'Appel de
Paris
Barrister & Solicitor (Canada)
Maître de Conférences
Associé (Université de Paris - IAE)
contacts
LA DISTRIBUTION EN
REPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
(Revue Française
du Marketing, Paris, Octobre 1996)
Daniel Arthur Laprès
TABLE DES MATIERES
Les services liés au voyage et aux loisirs
STRATEGIES D'ACCES
PAR LES ENTREPRISES ETRANGERES AU SECTEUR DE LA DISTRIBUTION EN CHINE
L'accès par la Grande Porte du Conseil d'Etat
La vente locale de production chinoise
Approvisionnement local de marchandises importées
Le choix d'un site de référence ('flagship store')
Y aller seul ou en
coopération?
MARKETING MIX EN CHINE
Réseaux de distribution traditionnels et émergents
CONCLUSION
Les produits occidentaux exercent une
puissante force d'attraction sur les consommateurs chinois. Les succès
d'Avon, Proctor & Gamble, Johnson & Johnson, Nike, Benetton, Kentucky
Fried Chicken, Maxim, Pabst, Peugeot, Chrysler et bien d'autres encore
sont incontestables. 5
La distribution française appuyée
vigoureusement par l'ensemble des instances professionnelles et publiques
compte bien exploiter le potentiel chinois. Le Printemps a ouvert en juin
1995 un magasin de cinq étages à Shanghai engageant au moins
cent cinquante millions de francs dans la seule rénovation de l'immeuble.
6 L'ouverture de deux autres magasins, à Dalian
et à Chengdu, est programmée pour 1996, le magasin de Beijing
devant ouvrir en 1997. 7
Au mois de juillet 1995, le CFME (Comité
Français pour les Manifestations Economiques à l'Etranger)
a invité cent cinquante firmes françaises (arts de la
table, bijouterie, gastronomie de luxe, prêt-à-porter, maroquinerie,
parfumerie) à exposer leurs produits à Shanghai. 8
Les petites entreprises comme les grandes marques internationales ont manifesté
par leur présence leur optimisme quant aux perspectives du marché
chinois.
Nous examinons ci-dessous le potentiel
de la Chine en tant que marché d'implantation pour les distributeurs
étrangers (I), les stratégies d'approche du marché
chinois par la distribution étrangère (II) et les éléments
du contexte chinois susceptibles d'influencer les marketing mix des distributeurs
étrangers (III).
Le risque politique d'un changement
de cap socio-économique, voire d'une désintégration
de l'état chinois, ou encore de son entrée en conflit armé
avec Taiwan sont autant de problèmes que nous ne traitons pas mais
dont le risque de réalisation ne peut être ignoré.
Le meilleur conseil à donner à cet égard aux distributeurs
étrangers attirés par le potentiel du marché est qu'ils
limitent leur exposition à une faible partie de leur activité
globale. Ainsi, dans une stratégie de portefeuille d'activités
diversifiées, la relative autarcie de la Chine correspondra vraisemblablement
à une corrélation relativement faible entre l'évolution
de l'activité économique en Chine et celle dans les autres
grands pays commer ccedilants. 9
L'accès de la Chine au Nouveau
GATT entraînerait nécessairement une certaine ouverture des
marchés pour les produits en tous genres. La garantie du traitement
national pour les prestataires étrangers constituerait un énorme
progrès par rapport à leur statut inférieur actuel.
Aussi une plus grande transparence de la réglementation chinoise,
qui devrait théoriquement coincider avec l'accès au Nouveau
GATT, donnerait aux professionnels étrangers une meilleure opportunité
de mettre en valeur leur savoir-faire. én général,
on peut considérer que les prestataires de services pourront éclore
plus rapidement encore que les distributeurs de marchandises dont l'expansion
sera ralentie par les engorgements dans les systèmes de transport
en Chine.
Depuis avril 1996, la Chine pratique
un contrôle des changes correspondant au régime dit de " convertibilité
conditionnelle ", signifiant la liberté d'acquisition de devises,
à condition que l'opération sous-tendant ait un caractère
" courant " selon le sens de cette expression dans la comptabilité
internationale. Mais cette liberté annoncée dans le nouvelle
réglementation des changes est réduite par l'obligation imposée
par les autorités responsables des approbations des investissements
étrangers aux détaillants sous contr(tm)le étranger,
d'équilibrer les valeurs de leurs importations et exportations.
D'un autre c(tm)té, les investisseurs étrangers pourront
se procurer librement des devises afin de rapatrier leurs bénéfices
réalisés en Chine. Ces acquisitions de devises se feront
désormais à des taux de change déterminés selon
l'offre et la demande des opérateurs, les autorités intervenant
au gré de leurs objectifs macro-économiques.
Le potentiel de développement
de la distribution en Chine peut être estimé en comparant
son intensité actuelle avec celles observées dans des pays,
à divers égards, similaires à la Chine.
Considérons d'abord le niveau
de développement économique (estimé en fonction de
la consommation d'énergie) par rapport à la part de la distribution
dans le produit intérieur brut. La distribution chinoise souffre
d'un manifeste sous-développement par rapport aux situations dans
les pays ayant atteint des niveaux de développement comparables.
Le taux de TEC/t de la Chine se situant en 1988 à 0,73, elle se
mesure valablement à l'Egypte (0,63) ou au Brésil (0,68);
alors que les parts du commerce dans le produit intérieur brut de
l'Egypte (13,0%) et du Brésil (13,3%) dépassent de presque
50% la part du commerce dans le produit intérieur brut chinois (9,8%).
10
Aussi, une comparaison international
de la distribution en termes d'emplois met en relief le potentiel de développementen
Chine. Almors que le nombre de salariés par 10.000 dans le secteur
de la distribution en Chine au cours de l'année 1985 n'atteignait
que les 74 personnes, en France il était plus de quatre fois plus
important (335). En 1991, le secteur chinois de la distribution n'employait
toujours que 80 personnes pour 10.000. Bien sûr le rattrapage du
retard en intensification des canaux de distribution dépendra de
la capacité du pays d'augmenter les revenus du peuple. Mais à
cet égard, les résultats sont notoirement impressionnants.
Entre 1978 et 1992, les dépenses des ménages chinois ont
augmenté de deux cent cinquante pour cent. 11
Et cette tendance ne devrait s'estomper de sitôt puisque l'on prévoit
un taux de croissance du produit intérieur brut au cours des cinq
prochaines années voisinant les dix pour-cent pour le pays dans
son ensemble, et atteignant le double dans les zones les plus dynamiques.
12
Selon l'estimation du cabinet de conseil
McKinsey, la demande pour les biens d'équipement ménagers
durables (réfrigérateurs, téléviseurs, etc.)
devient effective à partir d'un revenu annuel déclaré
d'environ $1,000. 13 McKinsey estime alors à soixante
millions le nombre de chinois disposant d'un revenu dépassant actuellement
ce seuil et à deux cent millions le nombre prévisionnel à
l'horizon de l'an 2000.
14 D'autre part, le revenu disponible
du ménage chinois est relativement élevé en tant que
part de son revenu total. Ainsi, les loyers sont maintenus à des
niveaux très bas et les prestations sociales sont pléthoriques.
Par conséquent, une très faible part du revenu des ménages
chinois (5%) est consacré aux dépenses pour la santé,
l'alimentation, le logement et l'éducation, soit le sixième
de la part y consacrée par les ménages des les pays asiatiques
voisins.
15 Selon le Bureau des Statistiques de l'Etat,
dans 35 villes chinoises les taux de pénétration correspondent
à 91% pour les téléviseurs, 82% pour les réfrigérateurs
et 90% pour les lave-linge. 16
Cette croissance de la capacité
d'absorption des consommateurs chinois se double d'une frustration engendrée
par la médiocre qualité des produits offerts dans les magasins
traditionnels. Se présente ainsi une opportunité aux intervenants
des pays développés dont la qualité des produits est
assurée et dont la marque est garante de satisfaction. Les consommateurs
chinois, qui ont de plus en plus facile accès aux médias
internationaux, font la comparaison entre les produits offerts à
Hong Kong, Taiwan et en Asie du Sud-Est avec ceux proposés dans
les circuits traditionnels chinois, et ils se laissent volontiers séduire
par les modes venues de l'étranger. Ainsi se propage la demande
pour les produits de consommation importés (voire en contrebande)
ou fabriqués localement et distribués sous une marque étrangère.
Parmi les secteurs les plus porteurs
pour les distributeurs étrangers, il convient de signaler l'alimentation
(magasins et restaurants), l'habillement et l'embellissement de la personne
et de son environnement (le vêtement de marque, le luxe, l'équipement
de la maison), et les services liés au voyage et aux loisirs.
Au déjeuner, les chinois sont
attirés par les formules rapides qui réduisent au minimum
le temps de distraction du travail. Aussi le revenu des ménages
augmentant, la demande alimentaire se transformera avec une part plus importante
des revenus étant attribuée aux loisirs, dont les sorties
en restaurant.
Les chaînes de restaurant des
pays développés jouissent d'au moins deux avantages compétitifs
importants vis-à-vis de leurs concurrents chinois: la garantie de
qualité uniforme et une propreté sans commune mesure avec
l'état de la masse des boutiques chinoises.
Alors que les chaînes américaines
et hongkongaises semblent ces dernières années se tailler
la part du lion dans la restauration rapide, la présence de la gastronomie
fran çaise en Chine est beaucoup plus ancienne. En effet, Maxim
existe à Beijing depuis 1982. Sa clientèle d'origine - les
touristes et hommes d'affaires expatriés - s'est depuis élargie
comprenant actuellement les nouvelles classes aisées locales. Mais,
hormis cette vénérable marque, la restauration française
est certainement sous-représentée en Chine. D'ores et déjà
à Beijing, les touristes et des nombres impressionnants de jeunes
chinois nantis accourent aux sites caverneux et somptueux des grandes marques
américaines (Hard Rock Café, Thank Goodness It's Friday).
Dans ce domaine, la société
Nike, dont l'importance stratégique de la fabrication en Chine est
bien connue, semble occuper le rôle de leader puisqu'elle s'est d'ores
et déjà dotée d'un réseau de boutiques chinoises
affichant sa marque. C'est la voie empruntée par la marque italienne
Benetton ainsi que par les entreprises honkongaises Giordano, Goldlion,
et Pacific Concord. La marque Stéfanel fournit un exemple d'une
entreprise française fabriquant et distribuant en Chine.
Certains distributeurs disent préférer
une attitude circonspecte afin de ne pas attiser les contrefacteurs chinois.
Mais d'autres répondent que, même dans une stratégie
purement défensive de sa marque, la démarche optimale consiste
à l'implanter en Chine. La présence commerciale facilitera
l'exercice d'un contrôle permanent des conditions locales en vue
d'étouffer rapidement toute contrefaçon. Surtout, dans
la mesure où la demande locale de contrefaçons naît
de l'impossibilité de trouver les produits de source, l'accessibilité
des produits originaux garantira aux marques au moins la part légitime
et solvable de la demande.
Le désir de marquer son passage
sur un site touristique ou de remémorer un événement
par des photos, conjugué avec la passion notoire des chinois pour
la photographie sentimentale (le mariage, l'enfant, même les obsèques)
doivent engendrer un marché important pour les kiosques de développement
rapide de photos ainsi que pour toutes les formes de distribution d'appareils
et de services liés à la photo. Les franchiseurs de photo-services
Kodak, Fuji et Konica sont déjà présentes en Chine.
Les distributeurs de produits électroniques
(télévision, ordinateurs, téléphones mobiles,
gadgets en tous genres) trouveront un peuple avide de leurs produits.
Sur les marchés du divertissement
(télévision, cinéma, parc à thèmes,
jeu, sport) tous les accès ne sont pas encore ouverts. Bien sûr,
en ce qui concerne les médias de communication (journaux, télévision,
radio), les étrangers ne peuvent accéder à la propriété.
Par contre, rien ne semble s'opposer à des investissements étrangers
dans les boutiques vidéo, les salles de cinémas ou les kiosques
de journaux.
En 1992, le voyage symbole du patriarche
suprême Deng Xiao Ping dans le Sud de la Chine a valu homologation
de l'initiative privée exercée notamment dans l'exploitation
de magasins de détail. Aussi en 1992, le quatorzième Congrès
du Parti Communiste adopta l'objectif de développer le secteur tertiaire,
y compris la vente au détail.
- la vente en gros et au détail,
- la fourniture et la vente de matériaux
- le commerce international
- la construction et l'expoitation
de sites touristiques d'engvergure antinoale,
- les tours de bureaux, de maisons
de luxe, de sites touritsiques en haut de gamme,
- circuits de golf,
- agences de voyage,
- les professions d'expertise comptable,
de commissaire-aux-comptes ainsi que les professions juridiques et enfin
les sociétés de courtage
- les activités de courtage
(pour les bSÀtiments de mer, le transport maritime, les contrats
à terme, la vente et la publicité)
- la formation et les services de traduction.
Les investissements dans cette catégorie
feront l'objet désormais de contrôle par l'échelon
administratif désigné de manière générale
selon des seuils de valeur d'investissement: niveau national au dela de
trente millions de yuans, niveau provincial (ou grande municipalité
ou région autonome) entre cinq millions et trente millions de yuans,
et en de¸ ;à, niveau municipal. Le contrôle des projets
à consonance étrangère dans les secteurs restreints
est confié au Ministère du Commerce Interieur. Des études
de fesabilité doivent être approuvées par les Départements
responsables du Plan ou ceux responsables de la transformation techonolgique
des entreprises et ceci au niveau municipal. Les projets sont notifiés
à la Commission d'état responsable du Plan ou encore celle
responsable des Echanges Economiques. La nécessité d'obtenir
les permits (notamment pour l'importation de produits) n'est en rien entamée
par le novueau règlement.
Cette nouvelle ouverture poursuit la
tendance largement entamée depuis le début des années
90 tout en créant une certaine confusion. En fait, les dispositions
du noveau règlement ajoutent des procédures et des normes
matérielles à celles déjà existantes, sans
trancher les contadictions entre le nouveau règlement et les textes
antérieurs.
En effet, jusqu'alors, le régime
juridique des affaires au niveau national, excluait les entreprises étrangères
de l'ensemble de la distribution. L'article 4(2) de la Circulaire ampliative
de la loi applicable aux entreprises à capitaux étrangers
approuvé par le Conseil d'Etat le 28 octobre 1990 et promulgué
par le Ministère des Relations Economiques et Commerciales avec
l'Etranger le 12 décembre 1990 exclut les entreprises à capitaux
cent pour-cent étrangers des secteurs suivants: la presse, l'édition,
la radiodiffusion, la télédiffusion et le cinéma;
le commerce interne, le commerce international, les assurances, les postes
et télécommunications.
Par contre, cette exclusion ne s'appliquait
ni aux sociétés à capitaux mixtes sino-étrangers,
ni aux sociétés étrangères vendant en Chine
leur production locale dans le cadre des projets dûment approuvés
par les autorités compétentes, ni aux distributeurs de prestations
de services.
Plus récemment, le Conseil d'Etat
en 1992 avait autorisé l'ouverture de sociétés à
capitaux mixtes pour exploiter pas plus de deux grands magasins à
Beijing, Tianjin, Shanghai, Guangzhou, Dalian, Qingdao ainsi que dans les
cinq ZES, soit un maximum de vingt-deux magasins en tout. Le Conseil d'Etat
s'était ainsi réservé ainsi toutes les décisions
concernant les ouvertures futures de magasins de détail par les
grands de la distribution étrangère.
Enfin un autre accès au secteur
de la distribution en Chine était offert par l'investissement dans
l'immobilier commercial. En effet, les promoteurs de projets immobiliers
ont obtenu la faculté de demander des licences pour l'exploitation
en direct de leurs locaux. C'est ainsi que le Gouvernement Municipal de
Shanghai a approuvé quelque trois cents projets d'investissement
étranger dans le secteur du détail correspondant à
des investissements de plus de sept milliards de renminbi yuan. Pour sa
part, la Province du Fujian a invité les entreprises étrangères
à assurer le développement de centres commerciaux importants
(superficie minimale vingt mille mètres carrés et investissement
minimal cinquante millions de renminbi yuan). La Ville de Beijing a pour
sa part annoncé l'ouverture de candidatures à l'exploitation
de magasins dans l'alimentaire, le vêtement et la vente en gros.
Le 20 décembre 1995 fut ouvert
dans le nouveau district de Pudong à Shanghai le plus important
grand magasin d'Asie, soit le site New Century Plaza. Ce site a été
développé et sera exploité en coopération par
Yaohan International Group du Japon et Shanghai N¡ 1 Department Store
Joint Stock Corporation. L'espace comporte dix étages et environ
dix mille mètres carrés. Le capital social de l'entreprise
exploitante est actuellement fixé à US $40 millions mais
devrait atteindre US $120 millions au cours des prochaines années.
Le chiffre d'affaires annuel prévisionnel correspond à environ
US $ 240 millions. Le site doit être rentable dès sa première
année d'exploitation et la période de recouvrement de l'investissement
est estimée à cinq ans et demi. Quelques 80% des marchandises
offertes seront fabriquées en Chine.
Parmi les franchiseurs étrangers
déjà implantés en Chine, on compte, outre ceux déjà
mentionnés ci-dessus, dans l'alimentaire: Pizza Hut, Baskin Robbins,
Dairy Queen, Vie de France; dans les services d'imprimerie, Alphagraphics;
dans les jouets, Toys' R Us, dans les magasins généralistes
de petite superficie: 7-11.
Au delà de Shenzhen, l'opérateur
étranger sera facilement attiré par les zônes côtières
du Sud dans la mesure où les populations du Sud, notamment celles
du Guangzhou et de Fujian sont déjà imprégnées
des valeurs de Hong Kong et de Taiwan respectivement. Ainsi les franchiseurs
ayant réussi leurs opérations à Hong Kong ou à
Taiwan peuvent raisonnablement escompter un accueil favorable dans les
territoires chinois voisins.
Encore une autre stratégie consistera
à s'implanter d'abord dans les villes les plus grandes et les plus
cosmopolites. Dans ce cas, Beijing et Shanghai seront les sites de prédilection.
Foyer des élites administratifs et intellectuels, Beijing s'adonne
un rôle de pôle technologique de l'an 2000. Pour sa part, Shanghai
ne voile aucunement ses ambitions de devenir la plus importante ville d'Asie
et consacre à la réalisation de cet objectif tous les moyens
imaginables. Le développement de Pudong en face de la Bund prend
de telles proportions que ce seul projet de développement s'étendra
sur une zone équivalente au territoire de Singapour (175 kilomètres
carrés). Le centre financier de Shanghai se hisse à une vitesse
vertigineuse au niveau international, que ce soit en termes de technologie
ou de volumes d'activité. Le nombre d'étrangers habitant
à Shanghai atteindrait d'ores et déjà les deux cent
mille personnes, soit autant qu'à Hong Kong.
Enfin la stratégie adaptée
pour certaines entreprises très typées sur le plan national
consistera à s'implanter dans les régions de la Chine ayant
un lien historique avec leur pays d'origine (une chaîne de "maisons
de la bière" débuterait à Tianjin par exemple), ou
encore où se trouvent de fortes concentrations d'expatriés
ou de touristes de la même origine (restaurants japonais en Manchourie,
ou portugais à Macau).
Le choix le plus évident sera
de collaborer en Chine avec le partenaire actuel à Hong Kong ou
Taiwan, voire au Japon ou à Singapour. L'espoir qu'il justifie sa
rémunération par des résultats au moins plus rapides
que ceux qui auraient été obtenus en son absence n'est finalement
pas toujours vain. Mais l'extension logique de ce raisonnement indiquerait
de coopérer plutôt avec un chinois du continent.
Par contre, un inconvénient
de toute association avec une entreprise chinoise est que son apport en
numéraire sera plafonné par les autorités chinoises.
En d'autres termes, la part du capital versée en numéraire
(par opposition aux apports en nature et services) par les partenaires
étrangers sera nécessairement prépondérante.
En effet, les autorités chinoises verraient d'un mauvais oeil une
opération dans laquelle une entreprise étrangère s'arrogerait
une part de capital dans une entreprise chinoise en n'y contribuant que
les droits d'exploitation de sa marque et de son savoir faire.
Ces contraintes donnent lieu à
des montages triangulaires impliquant l'entreprise étrangère
apporteuse de sa marque et de son savoir faire, son agent dans la zone
apporteur de financements et de services d'organisation et enfin le partenaire
chinois contribuant surtout ses connaissances du marché et éventuellement
apportant un site où exploiter l'activité.
Un risque difficile à maîtriser
pour le distributeur étranger survient en relation avec la réglementation
chinoise sur les transferts de technologie. En effet, toute importation
de marque et de savoir faire vers une entreprise chinoise sera considérée
comme un transfert de technologie soumis à une réglementation
particulière dont les effets principaux sont de ralentir le processus
d'établissement et surtout d'imposer dans tout contrat des conditions
inspirées de l'intérêt général chinois.
Si les distributeurs étrangers
pourront protéger indéfiniment leur exclusivité sur
leur marque en la déposant en Chine, en renouvelant son enregistrement
tous les dix ans et en l'exploitant effectivement et sans discontinuité
en Chine, la protection à long terme de leur savoir faire sera plus
difficile.
Ainsi le devoir de circonspection imposé
au cessionnaire chinois ne peut dépasser le terme du contrat, qui
lui-même ne peut excéder la durée nécessaire
pour "l'assimilation" de la technologie par le cessionnaire chinois et,
en tout cas, aucune obligation ne peut survivre au-delà d'un terme
de dix ans.
Aussi, le droit chinois ne tolère
aucune clause imposant des restrictions "déraisonnables" quant aux
possibilités du cessionnaire chinois d'exploiter la technologie
concernée. En particulier, sauf dérogation expresse accordée
par le MOFERT, les clauses suivantes sont interdites:
- toute obligation pour le cessionnaire
chinois d'acheter des biens ou services non-nécessaires à
l'exploitation de la technologie transférée;
- les restrictions de la liberté
du cessionnaire chinois de choisir ses propres fournisseurs;
- les empêchements pour le cessionnaire
chinois d'améliorer la technologie transférée;
- les interdictions pour le cessionnaire
chinois d'acquérir toute technologie similaire ou concurrente;
- les inégalités dans
les termes des échanges des améliorations apportées
à la technologie par les parties;
- les limitations sur la production
ou les prix de vente des produits réalisés en application
de la technologie transférée;
- toute restriction "déraisonnable"
des canaux de vente, y compris à l'exportation;
- toute interdiction de l'exploitation
de la technologie par le cessionnaire chinois après l'expiration
du contrat;
- toute obligation imposée au
cessionnaire chinois de payer des redevances pour tout brevet désuet
ou caduque.
Les dérogations ne sont pas
impossibles à obtenir mais leur délivrance reste casuistique.
Afin d'éviter les effets de
cette réglementation à l'intérieur de leur réseau
en Chine, les distributeurs étrangers de services pourront constituer
des sociétés opérationnelles en Chine à cent
pour-cent sous leur propre contrôle. Mais dans cette situation, le
distributeur étranger devra aussi entièrement auto-financer
ses opérations en Chine, solution pas toujours idéale. Les
distributeurs de biens désirant limiter les effets de la réglementation
chinoise relative au commerce extérieur sur l'évolution de
leurs réseaux devront créer une société chinoise
ou mixte "écran" intervenant en tant que concessionnaire principal;
cette société concessionnaire principale concluera les contrats
avec les sous-concessionnaires ou franchisés locaux soumettant ainsi
les contrats constitutifs du réseau de distribution au droit commun
chinois. Or le droit commun chinois est très peu fourni en normes
destinées à encadrer la concurrence. Seuls les accords limitant
le concessionnaire dans ses choix de fournisseurs sont proscrits.
L'importance de bien mesurer et éventuellement
contrôler le comportement du concessionnaire chinois, notamment quant
à ses propres expansions à l'international, est d'autant
plus grande que les entreprises chinoises, surtout les plus grandes dans
leurs secteurs, ont déjà une taille comparable à celles
des plus gros groupes mondiaux. En particulier certaines entreprises d'état
ainsi que certaines des privatisées génèrent des chiffres
d'affaires qui les placeraient parmi les plus grandes entreprises au monde.
Toutes les circonstances sont donc
réunies pour que les distributeurs étrangers s'implantant
en Chine avec des partenaires locaux y sacrifient à terme leurs
avantages concurrentiels en savoir faire, d'où l'intérêt
pour le distributeur étranger d'étudier toutes les possibilités
d'implantation indépendante avant de recourir à toute forme
de coopération.
La coopération si nécessaire,
mais pas nécessairement la coopération!
Les normes sont établies à
quatre niveaux: national, professionnel, provincial et entreprise. Chaque
niveau, en commençant par le dernier, peut définir des
normes en l'absence de dispositions en la matière par un des niveaux
supérieurs. Les normes sont soumises à l'agrément
du Bureau National de la Supervision Technique.
Tous les produits, hormis certains
produits alimentaires, doivent comporter des certificats d'inspection de
qualité. Le Bureau National de la Supervision Technique gère
le régime des certificats en imposant des normes dont la rigueur
correspond à une exigence de qualité acceptable au niveau
international. Les entreprises capables de démontrer que leur système
de contrôle de qualité fonctionne au niveau exigé peuvent
demander l'autorisation de s'autogérer.
Les produits importés sont également
soumis à des contrôles de qualité par les services
douaniers chinois.
L'étiquetage des produits, y
compris les produits importés, est réglementé afin
d'assurer l'identification efficace du produit ainsi que celle de sa source
et afin de prévenir des dangers inhérents aux produits. En
principe les produits offerts au public doivent porter une étiquette
en langue chinoise mais pour l'instant cette exigence semble être
peu respectée dans les faits. En général les produits
alimentaires tombent hors du champ d'application des règlements
sur l'étiquetage.
La réglementation chinoise régissant
la vente au détail de marchandises et de services est orientée
en faveur du consommateur. Par exemple; la loi interdit les contrats léonins
et les clauses excluant la responsabilité civile des fabriquants
et même des distributeurs ayant manqué de vigilance. Aussi
des voies de recours sont stipulées à l'encontre des distributeurs
avec qui tout consommateur aurait un différend. Par contre, les
sanctions prévues par la réglementation, étant établies
en fonction des conditions économiques en Chine, sont très
faibles par rapport aux critères occidentaux. Néanmoins,
le risque de poursuite sur le plan pénal subsiste en cas de défaillance
flagrante de l'acteur économique doit suffire à compenser
l'effet dissuasif relativement faible de la réglementation commerciale.
Les distributeurs étrangers
prêteront un soin particulier aux engagements de service-après-vente
qu'ils souscrivent en Chine. En effet, les moyens de communication physiques
y étant gravement sous-développés, les entreprises
mesureront et assumeront avec difficulté les coûts associés
au service après-vente, notamment en cas d'engagement de réparation
où que le produit se trouve sur le territoire chinois. Aussi, le
réservoir de techniciens locaux n'étant pas partout suffisant
pour assurer les réparations sur le site, on étendra avec
prudence le rayonnement de sa garantie de service après-vente en
dehors des grandes agglomérations.
Une importante dimension de la politique
produit de toute entreprise étrangère implantée en
Chine concerne la protection de ses droits de propriété industrielle
brevets (marques, savoir faire, dessins et modèles industriels)
et intellectuelle (droits d'auteur et logiciels). En particulier tout distributeur
dont la marque joue un rôle important dans son développement
évitera qu'un imposteur s'accapare de droits d'exploitation de sa
marque en Chine.
La Chine étant signataire des
grandes conventions internationales en matière de propriété
industrielle et intellectuelle, les titulaires de droits étrangers
bénéficieront en Chine du traitement national, c'est-à-dire
qu'ils jouiront des mêmes protections que celles offertes par la
loi chinoise aux ressortissants chinois.
Les déposants de nouvelles marques
dans les pays membres des conventions signées par la Chine (la Convention
de Berne et l'Arrangement de Madrid - toutes deux également signées
par la France) auront un délai de six mois après le dépôt
dans le premier pays membre pour répliquer l'enregistrement en Chine.
Les marques déposées depuis plus de six mois, et dont la
renommée jusqu'en Chine ne peut pas être facilement démontrée,
n'ont d'autre bonne solution que d'enregistrer leurs marques en Chine avant
qu'un imposteur ne les devance.
En cas de dépôt préemptif
en Chine par un concurrent de mauvaise foi, une procédure de radiation
pourra être entamée à l'encontre du déposant
non-exploitant en Chine à condition que la marque n'ait pas été
effectivement exploitée pendant cette durée. Ou encore, la
radiation pourrait être demandée lorsqu'il y a eu usurpation
de la notoriété de la marque au moment de son enregistrement
originel en Chine (avec tous les aléas qu'une telle procédure
peut comporter). Autrement, il conviendra très souvent de négocier
une solution de gré à gré avec l'usurpateur.
Au-delà de l'existence des textes
juridiques écrits, restent encore à être déterminées
la volonté et la capacité des autorités administratives
et judiciaires de les faire respecter par les opérateurs privés
et officiels. Les diverses administrations étant elles-mêmes
parmi les pires contrefacteurs de logiciels, et l'armée étant
réputée être partie prenante dans la contrefaçon
de compact disques et de vidéo-cassettes, les voies officielles
et directes ne s'avéreront pas toujours opportunes. Aussi, les sanctions
ne donnent pas satisfaction puisque les montants de dommages-intérêts
alloués sont dérisoires et l'exécution des jugements
aléatoire.
Toutefois les américains ont
récemment obtenu de sérieux engagements chinois quant à
la future efficacité d'application des lois chinoises relatives
aux droits de propriété industrielle et intellectuelle. Quid
du statut des entreprises européennes dont les gouvernements adoptent
un comportement moins agressif envers les autorités chinoises?
La réglementation des prix de
vente telle qu'elle existe maintenant en Chine vise surtout la protection
du consommateur et l'élimination de pratiques anti-concurrentielles.
Ainsi la loi du 31 octobre 1993 (entrée en vigueur le premier janvier
1994) oblige les distributeurs à afficher clairement les prix des
produits proposés dans le magasin. En principe la vente au-dessous
du coût est interdite par la loi du 2 septembre 1993 (article 11).
Les seules exceptions concernent les produits frais, et certaines opérations
saisonnières ou de liquidation de stocks en vue d'un changement
d'activité.
En termes de stratégie des prix,
les distributeurs étrangers se concentreront sur les produits situés
en haut de gamme. Mais à terme la seule taille du marché
chinois permettra aux entreprises étrangères y ayant accédé
relativement tôt d'avancer rapidement sur la courbe de l'expérience
justifiant des stratégies coût/volume.
En général, une bonne
stratégie consistera à pratiquer des prix cohérents
avec la renommée internationale de la marque profitant des parapluies
offertes par une concurrence locale inefficiente et faible. Les primes
par rapport aux prix de la concurrence locale seront ré-investies
en soutien de l'image de marque.
Une politique de prix unique à
travers toute la Chine sera difficilement praticable pour grand nombre
d'entreprises à cause des conditions variées des divers sites
(différence de loyers, de salaires, de marchandises, etc.).
Enfin il y aura lieu de ne pas abuser
des possibilités offertes par le transit des marchandises importées
par Hong Kong et refacturés par des sociétés intermédiaires
y domiciliées. Les accusations d'évasion fiscale ou de fraude
fiscale basées une politique trop agressive de mise à l'abri
des bénéfices pourraient attirer la foudre des autorités.
En effet les sanctions pénales en Chine sont souvent imprévisibles
et excessives.
Dans l'échafaudage étatique
maoiste, la responsabilité primordiale pour la distribution des
biens de consommation était placée au niveau du Ministère
du Commerce. Ce dernier gérait deux filières: les entreprises
commerciales d'état qui assuraient l'approvisionnement des villes,
et les coopératives d'achat et de vente (CAV) dont l'activité
se limitait aux campagnes. En complément de ces filières,
certains autres ministères géraient la distribution de produits
les concernant particulièrement. A la différence des entreprises
d'état, les CAV ont été formées en mettant
en collectivité des moyens de production. Donc les incitations individuelles
pouvaient y exercer une influence plus grande. Les entreprises collectives
comprennent surtout des coopératives agricoles et des petits magasins
en tous genres.
L'atrophie des réseaux de distribution
des marchandises en tous genres et le sous-développement de l'infrastructure
logistique ont engendré une certaine autarcie des régions.
Certaines provinces occasionnellement appliquent aux marchandises provenant
d'autres provinces des barrières à l'entrée (y compris
même des taxes d'importation), ceci bien sûr au grand dam des
autorités centrales qui sont pourtant incapables d'éradiquer
ces pratiques.
Le Xinjiang jusqu'à la fin des
années 1980 interdisait l'importation de quelque quarante-huit produits
(dont les téléviseurs couleur, le savon et les alcools blancs).
D'autres provinces régulent les flux à la sortie de produits
destinés à être transformés (et éventuellement
ré-importés); ainsi en 1989, alors que la ville de Shenyang
devait recevoir quelque trois mille tonnes de coton du Shandong, seulement
trois cents sont parvenues. En 1993 le gouvernement chinois a inclus dans
la loi relative à la concurrence déloyale une interdiction
de ces barrières au niveau provincial et local mais l'effet pratique
de ces mesures est encore difficilement déterminé.
Dans le cas des biens de consommation,
ce cloisonnement physique des zones est exacerbée par l'organisation
verticale des circuits de distribution. Selon la nature du produit (stratégique,
important, ordinaire) son acheminement faisait appel à plus ou moins
de grossistes. Ainsi un produit stratégique (la qualification étant
faite en fonction surtout de la rareté du produit par rapport au
besoin) pouvait passer entre les mains de trois grossistes avant d'être
mis en rayon par le détaillant. Les grossistes de première
classe exploitaient dans les grandes capitales commerciales (Tianjin, Shanghai,
et Guangzhou). Les grossistes de deuxième classe étaient
situés dans les capitales provinciales. Au troisième niveau
on trouvait les demi-grossistes/détaillants établis dans
les chefs-lieux districts.
Chaque projet d'opération inter-régionale
initiée par des membres inférieurs de la hiérarchie
devait remonter chacune des hiérarchies internes jusqu'au niveau
des officiels régionaux de part et d'autre. Ainsi le vendeur situé
dans une région vendait à travers ses grossistes jusqu'au
niveau régional. Après réalisation de l'échange
à ce niveau, les objets de la vente redescendaient la hiérarchie
des grossistes jusqu'au détaillant. Cette multiplication des coûts
a sûrement freîné le développement des échanges
inter-régionaux.
Ce n'est qu'en 1982 que fut lancé
le plan de réforme du secteur de la distribution.
La réforme a graduellement démantelé
les entonnoirs de la distribution verticale libérant les grossistes
et les commerçants dans leur choix de fournisseurs à l'intérieur
du territoire chinois. Ce geste donna un formidable coup de fouet à
l'initiative privée capable de court circuiter les filières
labyrinthiques de la distribution étatique. D'autre part, la propagation
de la propriété privée a été encouragée
en mettant en gérance libre et ensuite en privatisant grand nombre
de petits commerces appartenant à l'état et aux des collectivités.
En 1987 les CAV sont redevenues des coopératives à part entière
en droit chinois.
Les résultats de la réforme
ne sont pas faits attendre. Le secteur étatique, qui avait sans
cesse augmenté sa part des ventes au détail totales entre
1952 et 1978 (évoluant de 18 à 58%) a entamé depuis
la réforme une descente en douceur (42% en 1988). Par contre, alors
que la part du secteur collectif dans les ventes au détail se stabilise
autour de 38%, la part des entrepreneurs privés correspond actuellement
à 20% de ventes totales, quatre fois plus que dix ans auparavant.
Autre signe de la réussite des réformes après 1978,
la part des ventes directes des paysans aux citadins a augmenté
de plusieurs fois (augmentations de 3 à 6% pour les céréales,
de 23 à 70% pour cent pour les volailles, de 6 à 60% pour
les oeufs). Jusqu'en 1988, les principaux produits dans le commerce duquel
l'état dominait toujours étaient les céréales
(80%), le coton (95%) les oléagineux ((63%) et le thé (62%).
En termes de type d'activité
exploitée par la nouvelle classe commerçante, le petit
kiosque où l'on trouve des produits en tous genres a augmenté
sa part du parc de magasins de détail en 1979 qui se situait autour
de 10%, à 83% dès 1988. Parti d'un niveau de 2,7% de l'emploi
dans la vente au détail, les kiosques en 1988 employaient plus de
50% des effectifs dans la vente au détail.
Les conditions dans lesquelles peuvent
être construits les réseaux de distribution en Chine sont
définies par la nouvelle loi relative à la concurrence déloyale
(2 septembre 1993). La loi proscrit la corruption englobant sous cette
qualification les commissions et remises secrètes ainsi que celles
n'ayant pas justification commerciale réelle. Les clauses contractuelles
obligeant le client à acheter certaines marchandises pour accéder
à d'autres sont interdites ainsi que toute autre clause "déraisonnable".
Mais l'ossature réglementaire couvrant les réseaux sélectifs
ou exclusifs reste très sous-développée. Pour l'heure,
il conviendra de tenir compte des obligations générales imposées
par la loi en évitant de commettre des excès; les principes
de liberté de choix, d'égalité, équité,
honnêteté et fidélité étant consacrés
par la loi, on peut imaginer leur application à des clauses contractuelles
limitant par trop la liberté d'action de tout concessionnaire.
Le principal obstacle au développement
de la distribution en Chine n'est plus idéologique ou institutionnel,
il est logistique. En effet, les systèmes de transport sont engorgés
empêchant la circulation normale des marchandises. A titre d'exemple,
le transport d'un lot de marchandises par camion de Guangzhou à
Beijing (soit un trajet de quelque 1.000 kilomètres) prend souvent
deux semaines. Par train, la livraison de marchandises de Canton à
Beijing peut prendre plus d'une semaine.
A ce problème les autorités
répondent avec des plans ambitieux de construction de routes et
de chemins de fer, et surtout elles invitent les entreprises étrangères
à investir dans les grands projets d'infrastructure. Le fait qu'il
y ait des candidats étrangers (souvent de la diaspora chinoise)
à la réalisation de ces projets (par exemple dans le cadre
de contrats dits BOT "build operate and transfer") nous incite à
adopter une attitude optimiste quant à la résorption à
moyen terme des embouteillages dans la distribution physique des marchandises.
En 1992, on recensait 16.683 agences
de publicité en Chine engendrant un chiffre d'affaires de plus de
16 milliards de yuans et employant plusieurs centaines de milliers de personnes.
Dès le début des années 1980 les annonceurs japonais
en particulier ont engagé des campagnes en Chine alors même
que leurs produits n'étaient pas disponibles à la vente (Seiko,
Citizen, Casio, Hitachi et Toyota, entre autres). La première agence
étrangère à s'établir en Chine, en 1986, fut
d'ailleurs japonaise (Dentsu, Young et Rubicam).
En ce qui concerne la capacité
des médias d'atteindre le consommateur chinois, on estime à
350 millions le nombre de téléspectateurs aux heures de grande
écoute, avec des pointes dépassant même les 900 millions
de téléspectateurs. Les quotidiens sont lus par plus de 200
millions de personnes. En 1992 la Chine comptait 1.755 quotidiens (huit
fois plus qu'en 1979), tous ouverts à la publicité étrangère
dont 200 se spécialisant dans les informations économiques
En 1993 plus de 600 stations de télévision émettaient
des programmes (200 de plus qu'en 1978); de surcroît, l'introduction
de satellites et de réseaux cSÀblés permettent une
couverture de 80% de la population chinoise. Toutefois, les dépenses
publicitaires en Chine par rapport notamment au produit national brut demeurent
faibles (0,1%).
Le prix d'accès aux médias
chinois est longtemps resté abordable, pour ne pas dire dérisoire.
Par exemple, en 1993 le tarif d'un spot de 30 secondes à une heure
de pointe sur le réseau de télévision nationale (CCTV)
était $4.500. Ces prix sont certainement amenés à
être rehaussés, d'autant que les restrictions sur la quantité
de publicité par rapport aux contenus informationnels dans les journaux
sont extrêmement limitatives. Ainsi, les journaux chinois consacrent
à la publicité moins de 20% de leurs pages alors que cette
part atteint les 50-70% en Occident. D'ores et déjà, la difficulté
d'obtenir des espaces publicitaires complique l'organisation des campagnes
en obligeant les annonceurs à réserver leurs spots longtemps
à l'avance.
Les conditions d'exercice du métier
de publicitaire en Chine demeure problématiques. D'abord les équipement
sont insuffisants en nombre et en qualité, et le personnel manque
de formation dans techniques occidentales. Aussi la moralité des
acteurs du secteur est loin d'être admirable. En 1989 sur 751 agences
de publicité recensée en Chine, presque 10% ont été
obligées de fermer leurs portes à cause de fautes d'administration
ou de comportements illicites, dont notamment la publicité mensongère.
Néanmoins les autorités luttent agressivement contre ces
pratiques et l'instauration de la China Advertising Association en 1982
est à cet égard de bonne augure.
Bien sûr les annonceurs étrangers
redouteront tout à fait légitimement les aléas de
la censure chinoise motivée par des considérations idéologiques
imprévisibles. Mais l'engagement des autorités à bien
séparer politique et économie semble satisfaire le plus grand
nombre d'intervenants étrangers.
Au-delà de la publicité
comme moyen de communications, les chinois apprenent à exploiter
toute la gamme des moyens de communications. En particulier, les salons
et foires sont depuis le début des réformes exploitées
par les autorités pour marquer la présence chinoise sur le
plan international. L'obstination des autorités chinoises à
obtenir le sacre de l'attribution des Jeux Olympiques témoigne de
la compréhension du rôle de l'événementiel.
Mais dans de nombreuses industries la Chine organise maintenant des salons
et foires dont l'objet est d'attirer une participation internationale.
L'utilisation de techniques de promotion
des ventes (coupons, concours, échantillon gratuit, etc.) reste
encore rudimentaire. La loi du premier décembre 1993 relative à
la concurrence déloyale interdit les loteries dont le lot dépasse
5.000 yuans ainsi que toute promotion frauduleuse ou participant à
la vente de produits défectueux.
Finalement le défi le plus important
pour l'annonceur étranger sera de convaincre le consommateur ordinaire
de l'erreur dans le très ancien aphorisme chinois selon lequel "ceux
qui crient le plus fort sur les marchés vendent les produits les
moins bons".
Reste un éternel défi
de la Chine: l'opacité de ses institutions et les extrémités
atteintes par la balançoire sociale . Elle retarde les procédures
de réforme. Elle occulte les conflits idéologiques. Elle
diminue la prévisibilité des tendances politiques, économiques
et sociales. Elle augmente le risque supporté par l'investisseur
étranger.
Bref, si le moment est venu pour les
distributeurs étrangers de faire leurs premiers pas en Chine, la
marche vers la réussite sera bien d'au moins dix mille kilomètres.
1 Ceci correspond à environ
600 milliards de francs français au taux de change observés
au cours du deusxième trimestre de 1996.
Depuis le lancement à
partir de 1978 de la grande réforme économique en République
Populaire de Chine, le secteur de la distribution renaît tel un phoenix
des cendres de son existence antérieure à la Révolution
Communiste. Au cours de la première année de libéralisation
de la vente au détail en 1978, un million de magasins privés
ouvrirent leurs portes. 1 Dès 1992, le nombre de
magasins privés en Chine avait décuplé. 2
Cette même année, le chiffre d'affaires réalisé
par les détaillants chinois a dépassé mille milliards
de yuan. 3 En 1995, les ventes au détail auront
doublé en dépassant les deux mille milliards de yuan et un
nouveau doublement de ce chiffre est prévu pour l'an 2000. L'augmentation
réelle du chiffre d'affaires au détail en 1995 par rapport
à 1994 a été de 10%. 4
restauration
Le McDonald's de Guangzhou détient
le record historique de fréquentation pour le jour d'ouverture d'une
boutique McDonald's. 17 Kentucky Fried Chicken a ouvert
à Beijing sa plus grande boutique au monde desservant presque 600
personnes; la maison mère est réputée avoir récupéré
son investissement en un an. 18
vêtement de marque
Toute entreprise étrangère
faisant produire des marchandises en Chine peut vendre une part de cette
production sur le marché local. Une stratégie prometteuse
consiste à s'allier avec des fabriquants chinois de divers types
de marchandises pour développer une gamme de produits jusqu'à
la masse critique pour l'exploitation de magasins de détail en réseaux.
Tout membre de la profession ayant la taille critique pour investir en
Chine au niveau de la fabrication se devra d'orienter quelques fonds vers
la distribution sur le marché chinois.
luxe
Il y a toute raison de croire que les
chinois seront autant attirés par les produits des grands marques
françaises que leurs comparses de Hong et Taiwan où certaines
des plus prestigieuses des marques françaises réalisent
déjà une part importante de leur chiffre d'affaires et/ou
de leur résultat. Le Printemps a marqué son adhésion
à cette thèse en consacrant un des cinq étages de
son nouveau magasin à Shanghai aux produits de luxe.
services personnels
La fascination des chinois avec les styles
occidentaux dans l'habillage de la personne et de son environnement créera
de nombreuses opportunités pour les prestataires étrangers
(dans l'immédiat pour les chaînes de salons de coiffure et
de beauté, dans un avenir rapproché pour les architectes
et décorateurs). Aussi, la taille même de la population supportera
l'exploitation commerciale de niches extrêmement pointus.
services liés
au voyage et aux loisirs
Les chinois, empêchés pendant
des décennies de voyager librement à l'intérieur de
leur propre pays, découvrent seulement maintenant les plaisirs du
tourisme. Ajoutez à cette demande celle des hommes d'affaires chinois
et étrangers et il en résulte une formidable expansion de
tous les services liés au voyage. Les hôteliers français
trouveront naturellement leur place en haut de gamme mais toutes les gammes
se développeront à des allures importantes. Selon son Vice-President
responsable de l'Asie, Holiday Inn est la plus grande marque en Chine où
la chaîne exploite17 hôtels. .
STRATEGIES D'ACCES
PAR LES ENTREPRISES ETRANGERES AU SECTEUR DE LA DISTRIBUTION EN CHINE
Les spécialistes de la distribution
de biens et de services dans les pays développés ont dû
attendre longtemps avant de pouvoir s'installer en Chine. Sous le régime
communiste, les professions commerciales ont été essentiellement
interdites aux entreprises étrangères. La libéralisation
interne de la distribution à partir de 1982 n'a pas immédiatement
entraîné le retrait des interdictions aux investissements
étrangers dans la distribution. Même dans les Zones Economiques
Spéciales (ZES), le principal souci de toutes les parties prenantes
a d'abord été de faciliter les exportations et ré-exportations
à travers Hong Kong. Ce n'est qu'à l'aube des années
1990 que quelques dynamiques entrepreneurs de Hong Kong ont réussi
à installer des boutiques à l'intérieur des magasins
chinois pour y vendre leurs productions locales.
Les accès
possibles
Selon un Règlement provisoire comportant
des orientations pour l'investissement étranger, promulgué
en juillet 1995 avec effet immédiat par la Commission d'Etat responsable
du Plan, les secteurs suivants sont désignés comme étant
"d'accès restreint" (catégorie B 12)
L'accès par
la Grande Porte du Conseil d'Etat
Seuls deux projets avaient encore été
annoncés jusqu'en début 1995, soit le Yensha Friendship Shopping
Centre à Beijing et l'opération conjointe de Yaohan Department
Store et de Shanghai No. 1 Department Store à Shanghai. Plus récemment,
Le Printemps a lancé ses projets à Shanghai et à Dalian
en association avec des partenaires locaux.
La vente locale de
production chinoise
Les entreprises étrangères
ainsi que les entreprises à capitaux mixtes sino-étrangers
engagées dans la production en Chine ont la faculté de vendre
sur le marché local une part de leur production. Elles en disposent
librement et peuvent même ouvrir des magasins sous leur enseigne
pour promouvoir la vente de leurs quotas de produits. La taille de cette
part de la production susceptible d'être mise à la consommation
locale doit être approuvée par les autorités chinoises
compétentes. Récemment on a pu noter des accords portant
sur des mises à la consommation locale correspondant à 100%
de la production.
Approvisionnement
local de marchandises importées
Dans le cadre de partenariats avec des
opérateurs locaux, les distributeurs étrangers peuvent ouvrir
des chaînes de magasins en Chine sans se lancer dans la production
locale à condition de s'approvisionner essentiellement sur le territoire
chinois. Certes on peut concevoir une chaîne de magasins (de bijoux
par exemple) dont la quasi-totalité des marchandises seraient achetées
en Chine auprès d'intermédiaires agréés. Mais
en général ces opérations engendreront des surcoûts
prohibitifs (rémunération de l'intermédiaire entre
1 et 5%, plus les droits de douane et les frais d'approche).
Les prestataires de
services
Les prestataires de services pourront
apparemment s'établir sans s'associer à un partenaire chinois.
Ainsi, un franchiseur étranger dont l'activité consisterait
en la fourniture de services plutôt qu'en la vente de marchandises
aurait la capacité de créer son propre réseau en Chine.
Il est vrai que dans le cas de grand nombre de services, leur fourniture
sera réglementée à d'autres titres; ainsi, les services
bancaires tombent sous l'égide de la Banque de Chine, les services
juridiques sous l'égide du Ministère de la Justice. Mais
à ce stade de notre étude, nous relevons avant tout la possibilité
pour les prestataires de services de s'implanter sans nécessairement
rechercher un partenaire chinois. Qu'il soit désirable néanmoins
de s'associer avec un partenaire chinois est une question toute autre dont
la réponse relève de la stratégie de l'entreprise.
Le choix d'un site
de référence ('flagship store')
Actuellement la tendance semble être
de débuter par l'ouverture d'un magasin à Shenzhen. A cela,
il y a plusieurs explications. D'abord, le niveau de vie des shenzhenais
correspond à un multiple du niveau général des chinois.
Cette situation a un effet secondaire: le reste de la Chine étudie
et suit les tendances nées à Shenzhen. En tant que ZES, la
ville jouit d'un statut fiscal préférentiel et d'un régime
douanier allégé. Enfin, située aux portes de Hong
Kong, la ville de Shenzhen offre les avantages de Hong Kong au niveau de
l'agrément de la vie mais en même temps les atouts de la Chine
en compétitivité industrielle.
Y aller seul ou en
coopération?
Certains observateurs des plus chevronnés
dans le commerce avec les asiatiques en général et les chinois
en particulier excluent totalement l'idée d'une implantation indépendante
en Chine. Un partenaire de la zone est à leurs yeux indispensable,
et ceci pour des raisons stratégiques plus encore que juridiques.
Déjà un partenaire de la zone naviguera souvent mieux à
travers les méandres de la bureaucratie chinoise. Le partenaire
expérimenté gérera mieux les relations avec l'ensemble
des acteurs avec qui l'entreprise entretiendra des relations en Chine (administration,
salariés, fournisseurs, créanciers, etc.). Ceci étant
admis, il n'y a pas lieu de surestimer la valeur pour les chinois de la
constance dans les relations (l'amitié ou le 'guanxi'). A la fin,
les facteurs déterminants du décideur chinois demeurent la
qualité et le prix.
MARKETING MIX EN CHINE
Produit
La normalisation des produits chinois
découle de législation entrée en vigueur seulement
en 1990. Sur le papier on trouve grand nombre d'exigences susceptibles
de permettre aux distributeurs étrangers d'accentuer leur avantage
actuel en termes de garantie de la qualité des produits offerts.
D'un autre côté, l'obligation de respecter des normes minimales
poussera les acteurs économiques locaux à hausser leurs niveaux
de compétitivité, ce qui à terme exacerbera la concurrence.
Prix
Les prix sont essentiellement libres à
l'heure actuelle. Seuls restent sous contrôle des autorités
les prix de quelques denrées de base.
Réseaux de distribution
traditionnels et émergents
La brimade infligée par les maoistes
à la distribution à partir de 1953 a réduit de 20
à 5% sa part dans l'activité économique en Chine (alors
que sur la même période, la part de l'industrie a augmenté
de 20 à 50%). A son nadir au milieu de la Révolution Culturelle,
le commerce n'engendrait même pas 3% des emplois dans le pays. Le
secteur privé, parti de 64% des ventes au détail en 1952,
s'est effondré à seulement 3% en 1957.
Communications
Bien que jamais officiellement censurée
par le régime communiste, l'activité publicitaire a pourtant
disparu après la Révolution maoiste. Sa réapparition
date de 1979 après une campagne favorable menée dans les
médias écrits les plus prestigieux de Chine. La première
publicité est parue à la Shanghai Television Station le 28
janvier 1979 promouvant la vente d'une herbe médicinale. Ont rapidement
suivi des annonces dans des supports imprimés, la première
publicité imprimée étrangère ayant été
publiée par le Wenhui Bao le 15 mars 1979. A l'heure actuelle, la
publicité joue un rôle de plus en plus important dans l'économie
chinoise bien que les obstacles matériels et idéologiques
retiennent la Chine en de¸ ;à de son potentiel en comparaison
avec d'autres marchés asiatiques.
CONCLUSION
Le marché chinois offre désormais
aux distributeurs occidentaux des opportunités très attrayantes.
Le dilemme opposant l'attraction du marché le plus important par
rapport à celle du marché croissant le plus rapidement trouve
sa résolution sur le marché chinois. Non seulement il croît
plus rapidement que les autres, mais il est, ou en tout cas sera à
terme, le marché le plus important du monde. Aussi, le goût
de la consommation ainsi que les moyens d'y satisfaire deviennent de plus
en plus répandu en Chine. Enfin les marchés s'ouvrent à
la concurrence même étrangère.
NOTES
1 Keri Davies, Foreign Investment in the Retail Sector of the People's REepublic of China, The Columbia Journal of World Business, Automne 1994, 56, 57.
3 Dont 85% ont été réalisés dans des magasins appartenant à des personnes physiques, idem.
4 Chiffres du State Statistical Bureau, cité dans un reportage de Reuters Financial Report, le 18 septembre 1995. Les ventes au détail pour le seul mois d'aoât, traditionnellement un mois calme, ont auigmenté en 1995 par rapport à 1994 de 27% en termes nominaux, idem.
6 Caroline Puel, LE FIGARO, 31 juillet 1995, 15.
9 Avec seulement des flux d'exportations et d'importations ne correspondant qu'à quelque 10% du produit intérieur brut chinois, l'économie chinoise devrait évoluer en relative indépendance des pays occidetaux notamment.
10 Thierry Pairault, La Distribution en Chine Le Courrier des Pays de l'Est,, janvier 1991, 2, 6.
12 The Economist Intelligence Unit.
13Stephen M. Shaw and Jonathan R. Woetzel, A Fresh Look at China, The McKinsey Quarterly, 1992 Number 3,37, 41.
16State Statistical Bureau du Gouvernement chin ois, cité dans Ellanah Rubin, Craig Allen, The Franchsing Market in China, United States Documents, International Trade Administration, ISA9404, 1994, 1.
Cabinet d'avocats