Cabinet d'avocats
eBay counterfeit litigation
In several separate actions, eBay has been pursued before the French courts by Louis Vuitton, before the Belgian courts by L'Oréal and and before the New York courts by Tiffany. In each case, eBay's liability is argued on the basis of the presence of counterfeit goods on its auction pages.
In the French case, eBay was held liable for almost € 20 million in damages on various accounts, but the Belgian and US courts have dismissed Tiffany's action.
The text of the French judgment is posted below in French.
A comment of the case is posted in French.
The judgment of the US court is posted on the site of the US District Court.
News stories about these issues are
posted below.
*
* *
eBay a été poursuivie en même temps sur chacun des deux bords de l'Atlantique, en France par Louis Vuitton et ne Belgique par L'Oréal, et devant le tribunal fédéral à New York par Tiffany, le grand joailler américain.
A Paris, le Tribunal de Commerce a condamné eBay à payer à Louis Vuitton quelque € 20 millions à divers titres de réparation.
A New York, Tiffany a été déboutée de toutes ses demandes, comme l'a été L'Oréal en Belgique.
Dans chaque cas, il était reproché à eBay de s'être responsable pour les vetes de produits contrefaits.
Voir une note commentant l'affaire jugée par le Tribunal de de Commerce de Paris.
Le jugement du tribunal français est reproduit ci-dessous et le jugement américain est affiché sur le site du tribunal.
Des reportages concernant ces événements
sont reproduits ci-dessous.
NEWS
Ebay calls on EU to probe sales curbs Nikki Tait in Brussels, September 18 2008
Belgian court dismisses L'Oreal claims against eBay Tue Aug 12, 2008
EBay beats Tiffany in court case over trademarks Associated Press, 07/14/2008
Software makers threaten to sue eBay over counterfeits July 25, 2008
Tiffany Fails to Prove eBay Contributed to Mark Violation Mark Hamblett, New York Law Journal, July 15, 2008
EBay Told to Pay $61 Million to Fashion Company Over Sales of Fake GoodsPierre-Antoine Souchard, The Associated Press, July 1, 2008
eBay
fined for selling fake Louis Vuitton goods online Jun 30, 2008
LOUIS VUITTON v eBAY
Judgment of the Tribunal de Commerce of Paris of June 30 2008
Jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 30 juin 2008
PREMIERE CHAMBRE B
RG 2006077799
04.12.2006
ENTRE : SA LOUIS VUITTON MALLETIER,
(RCS de PARIS B 318.571.064), dont le siège social est situé
2 rue du Pont Neuf 75001 PARIS.
PARTIE DEMANDERESSE assistée
de Maître Didier MALKA (Cabinet JEANTET Associés) avocat (T.04)
et comparant par la SELARL CAMPANA RAVET ASSOCIES avocats (P.209) (JRC).
ET : 1) eBay Inc., société
de droit américain, dont le siège social est situé
2145, Hamilton avenue San Jose CA 95125 Etats-Unis.
2) eBay International AG, société de droit suisse, dont le
siège social est situé Helvetiastrasse 15/17 3005 Berne Suisse.
PARTIES DEFENDERESSES assignées
selon l'application de la convention signée à LA HAYE, assistées
de Maître Alain BENSOUSSAN avocat (E.241) et comparant par la SCP
ALTERMAN-BENEZRA-LECLERCQ, avocats (P.02) HA
APRES EN AVOIR DELIBERE
I. LES FAITS
LOUIS VUITTON MALLETIER est la société qui, au sein du groupe de luxe LVMH, crée, fabrique et commercialise sous la marque Louis Vuitton dans le monde entier des produits de maroquinerie et de prêt-à-porter.
La société eBay Inc.
est la société mère du groupe eBay. La société
eBay International AG, filiale de la société eBay Inc., propose
une plate-forme de mise en relation qui permet aux internautes, notamment,
de stocker, pour mise à disposition du public, des offres de vente
de produits et services.
eBay Inc. et eBay International
AG seront ci-après dénommées ensemble « eBay
» ou « les défenderesses ».
eBay est ainsi devenue la première
plate-forme mondiale de courtage aux enchères réalisées
à distance par voie électronique, à laquelle accède
une communauté de plus de 248 millions d'utilisateurs répartis
sur les cinq continents.
LOUIS VUITTON MALLETIER reproche à eBay de ne pas s'assurer, comme c'est son devoir, que son activité ne génère pas d'actes illicites au préjudice de tout autre opérateur économique tel que LOUIS VUITTON MALLETIER. Elle ajoute que la complaisance de eBay à accueillir sur l'ensemble de ses sites des annonces manifestement illicites favorise la contrefaçon et cause à LOUIS VUITTON MALLETIER différents préjudices que LOUIS VUITTON MALLETIER évalue globalement à environ 20 millions d'euros et dont elle demande réparation au Tribunal.
eBay conteste ces reproches et considère respecter les obligations légales prévues en tant qu'hébergeur de sites par la législation française en vigueur au moment des faits.
C'est dans ces circonstances qu'est née la présente procédure.
II. PROCEDURE
Par actes du 2 août 2006 signifiés
selon l'article 686 du Code de Procédure civile à eBay Inc.
et eBay International AG, LOUIS VUITTON MALLETIER demande au tribunal de
:
- Condamner in solidum eBay Inc.
et eBay International ÀG à lui payer, à titre de dommages
et intérêts, les sommes de
7.920.000 € à
titre de redevance indemnitaire,
10.260.000 € pour réparer
le préjudice d'image,
2.000.000 € pour réparer
le préjudice moral ;
- Autoriser LOUIS VUITTON MALLETIER
à faire publier le jugement à intervenir, aux frais de eBay
Inc. et eBay International AG dans trois journaux de presse française
et/ou internationale au choix des demanderesses ;
- Ordonner à eBay Inc. et
à eBay International AG de publier ledit jugement sur les sites
qu'elles exploitent pendant une durée de trois semaines à
compter de la signification du jugement ;
- Ordonner l'exécution provisoire
du jugement ;
- Condamner in solidum eBay Inc.
et eBay International AG à payer à LOUIS VUITTON MALLETIER
la somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du CPC;
- Condamner in solidum eBay Inc.
et eBay International AG aux dépens.
Par conclusions du 15 février
2007 eBay Inc. et eBay International AG demandent au tribunal de :
- In limine litis et à titre
principal, se déclarer incompétent au profit des juridictions
américaines en tant que juridictions du lieu où le prétendu
fait dommageable se serait produit ;
- In limine litis et à titre
subsidiaire, se déclarer incompétent au profit des juridictions
étrangères, en tant que juridictions où le prétendu
dommage aurait été subi, des pays vers le public desquels
les annonces étaient orientées, c'est-à-dire notamment
l'Allemagne, l'Australie, l'Autriche, la Belgique, le Canada, la Chine,
la Corée, l'Espagne, les Etats-Unis, Hong Kong, l'Inde, l'Irlande,
l'Italie, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, les Philippines,
la Pologne, le Royaume-Uni, Singapour, la Suède, la Suisse, Taïwan
;
- Dire les sociétés
eBay Inc. et eBay International AG recevables et bien fondées en
l'ensemble de leurs demandes ;
En conséquence :
- Dire les pièces n°
22 à 24, 33 à 35 et 41 à 43 de LOUIS VUITTON MALLETIER
rédigées en langue étrangère et les écarter
des débats ;
- Juger les procès-verbaux
de constat des 9, 20 et 23 janvier 2006, 25, 26 et 27 juillet 2006 produits
par LOUIS VUITTON MALLETIER non probants et les écarter des débats
;
- Débouter LOUIS VUITTON
MALLETIER de l'ensemble de ses demandes ;
- Si le tribunal s'estimait compétent
pour connaître des annonces orientées soit vers les publics
étrangers soit vers le public français, il constaterait que
celles-ci ont été retirées promptement et en conséquence
rejeter les demandes de préjudice fondées sur ces annonces
;
- Condamner LOUIS VUITTON MALLETIER
à verser à eBay Inc. avec intérêts au taux légal
à compter de ses premières écritures et ce sous astreinte
de 10.000 € par jour de retard à compter de la signification
du jugement :
* la somme de 10.000.000 €
à titre de dommages et intérêts en réparation
du préjudice d'atteinte à l'image subi,
* la somme de 2.000.000 € à
titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice
moral subi,
A chacune des défenderesses
avec intérêts au taux légal à compter de leurs
premières écritures et ce sous astreinte de 10.000 €
par jour de retard à compter de la signification du jugement :
* la somme de 50.000 € à
titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice
matériel subi,
* la somme de 50.000 € à
titre de dommages et intérêts pour procédure abusive
;
- Ordonner la capitalisation des
intérêts en application de l'article 1154 du Code civil ;
- Se réserver la liquidation
des astreintes prononcées ;
- Si le tribunal condamnait LOUIS
VUITTON MALLETIER et la déboutait de ses demandes, ordonner la publication
du jugement dans trois journaux et sur trois sites internet au choix des
défenderesses pendant trois mois à compter de la signification
du jugement, et ce aux frais de LOUIS VUITTON MALLETIER, sans que ces frais
n'excèdent la somme de 1.000 € HT plus TVA au jour de la facturation
;
- Condamner LOUIS VUITTON MALLETIER
à verser à chacune des défenderesses la somme de 200.000
€ au titre de l'article 700 du CPC ;
- Ordonner l'exécution provisoire
du jugement sans constitution de garantie et en ce compris l'article 700
du CPC ;
- Condamner LOUIS VUITTON MALLETIER
aux dépens.
Par conclusions en réplique et récapitulatives du 7 juin 2007, LOUIS VUITTON MALLETIER réitère ses écritures et, y ajoutant, demande au Tribunal de débouter les défenderesses de leurs exceptions d'incompétence, de leurs demandes de rejet de pièces et de leurs demandes à titre reconventionnel.
Par conclusions du 8 novembre 2007,
les défenderesses réitèrent leurs écritures
et, y ajoutant, demandent au Tribunal de :
- Leur donner acte de ce qu'elles
ont rectifié l'erreur matérielle contenue dans les écritures
du 15 février 2007 relative au numéro de la pièce
rédigée en langue chinoise et non traduite en français
;
- Ne pas fonder sa décision
sur la pièce 38 rédigée en langue chinoise et rejeter
l'argumentaire de LOUIS VUITTON MALLETIER fondé sur cette pièce
;
- Dire les procès-verbaux
de constat des 9, 20 et 23 janvier 2006, 25, 26 et 27 juillet 2006, 18
avril 2007, 30 mai 2007 et 1er et 2 août 2007 ainsi que le test réalisé
par M. Feuvre en date du 6 juin 2007 produits par LOUIS VUITTON MALLETIER
non probants et les écarter des débats ;
- Nommer tel expert en informatique
qu'il plaira au Tribunal de désigner avec la mission décrite
dans ces conclusions ;
- Débouter LOUIS VUITTON
MALLETIER de ses demandes ;
Elles précisent en les modifiant
les conditions demandées de la publication du jugement dans la presse
et sur la page d'accueil du site de LOUIS VUITTON MALLETIER.
Par conclusions en réplique et récapitulatives du 28 janvier 2008 LOUIS VUITTON MALLETIER réitère ses écritures.
Par conclusions (3) du 25 février 2008 les défenderesses réitèrent leurs écritures.
A l'issue de l'audience de plaidoirie du 14 avril 2008, le Ministère Public entendu en ses réquisitions, le Tribunal clôt les débats pour le jugement être prononcé le 30 juin 2008.
III. SUR LES EXCEPTIONS D'INCOMPETENCE SOULEVEES PAR LES DEFENDERESSES
A. Moyens des parties
Avant toute demande au fond, les
défenderesses soutiennent que le Tribunal de céans est incompétent
a. à titre principal, au
profit des juridictions américaines en tant que juridictions du
lieu où le fait dommageable allégué se serait produit,
dans la mesure où les annonces litigieuses sont hébergées
sur des serveurs de eBay situés aux Etats-Unis ;
b. subsidiairement, au profit des
juridictions étrangères des pays vers le public desquels
les annonces étaient orientées, le public français
n'étant pas visé par ces annonces.
A l'appui de ces exceptions d'incompétence,
les défenderesses produisent notamment deux arrêts de la Cour
de Cassation ayant consacré, selon elles, la théorie de l'orientation,
ainsi que de la jurisprudence de la Cour d'Appel de Paris.
Les défenderesses considèrent
que le Tribunal de céans n'est compétent que pour statuer
sur les préjudices qui auraient été subis en France
selon les dires du demandeur.
Par ailleurs, elles contestent la
validité des procès verbaux de constat établis par
l'Agence pour la protection des programmes (APP) et versés aux débats.
LOUIS VUITTON MALLETIER réplique
a. à titre principal en se
référant
- à l'égard
de eBay International AG, à la convention de Lugano du 16 septembre
1988 qui pose le principe en matière délictuelle de la compétence
du Tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit ou du lieu
où le dommage a été subi,
- à l'égard
de eBay Inc., aux règles françaises de compétence
interne, notamment à l'article 46 du Code de procédure civile
qui dispose que le défendeur peut, en matière délictuelle,
saisir la juridiction du lieu de l'événement causal ou de
celui du dommage,
b. subsidiairement, en produisant
des arrêts de la Cour de Cassation qui jugent, selon les demanderesses,
que le critère de l'accessibilité au public français
d'un site Internet étranger suffit, à lui seul, à
justifier la compétence des juridictions françaises. Or,
relèvent-elles, les annonces litigieuses, comme le montrent les
pièces versées aux débats, figurant sur les sites
étrangers de eBay, sont traduites en français et les produits
offerts à la vente sont livrables en France.
B. Motifs de la décision
1/ Sur la recevabilité des exceptions d'incompétence soulevées par les défenderesses :
Soulevées avant toute demande au fond, motivées et précisant la juridiction compétente en lieu et place du Tribunal de céans, le Tribunal les dira recevables.
2/ Sur le mérite :
a. sur la compétence du Tribunal à l'égard de eBay International AG
Attendu que la faute alléguée de eBay International AG consiste dans sa complaisance à accueillir sur l'ensemble de ses sites des annonces manifestement illicites favorisant la contrefaçon dans des conditions qui sont de nature à nuire, selon LOUIS VUITTON MALLETIER, gravement à son image de marque,
Attendu que cette prétendue faute lui occasionne, selon elle, un préjudice très important en France où elle a son siège social,
Attendu que eBay International AG est responsable de l'exploitation de l'ensemble des sites eBay dans le monde (parmi lesquels notamment le site eBay.fr), à la seule exception du site eBay.com ; que son siège est en Suisse,
Attendu que le Tribunal de céans,
pour les besoins de sa décision, rappelle les principes qui doivent
s'appliquer :
- pour les principes : la Convention
de Bruxelles de 1968 (devenue le Règlement n°44/2001 du 22 décembre
2000) étendue par la Convention de Lugano de 1988 prévoit
en son article 5-3° qu'en matière délictuelle, «
le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant
peut être attrait, dans un autre Etat contractant, devant la juridiction
du lieu où le fait dommageable s'est produit »,
- pour la jurisprudence communautaire
: le lieu où le fait dommageable s'est produit désigne tout
à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de
l'événement causal. Par ailleurs, la juridiction du lieu
du fait générateur a « compétence pour connaître
de l'action en réparation de l'intégralité du préjudice
causé par l'acte illicite », alors que celle du lieu où
le dommage a été subi est seulement compétente «
pour connaître des dommages causés dans cet Etat
»,
- pour la jurisprudence de la Cour
de cassation : dès lors qu'un site Internet est accessible au public
français, les tribunaux français sont compétents pour
réparer le dommage réalisé en France, ce qui est le
cas des sites eBay ainsi que le constate le Tribunal,
Attendu que, pour justifier de cette accessibilité des sites étrangers de eBay au public français, LOUIS VUITTON MALLETIER produit, entre autres, aux débats, des procès-verbaux de constats d'agents assermentés de l'Agence pour la Protection des Programmes (APP),
Attendu que la contestation de eBay sur la force probante de ces pièces ne porte pas sur l'existence des faits révélés mais seulement sur la compétence matérielle de l'APP et le respect de prescriptions techniques,
Attendu que la preuve est libre à l'égard des commerçants, qualité partagée par toutes les parties à l'instance,
Attendu que le libellé en anglais d'annonces n'exclut pas nécessairement le public français de leur accès,
Le Tribunal en conséquence dira mal fondée eBay International AG en son exception d'incompétence et se dira compétent sans restriction aucune.
b. sur la compétence du Tribunal à l'égard de eBay Inc.
Attendu que eBay Inc. est la société holding du groupe eBay, qu'elle est responsable de l'exploitation du site, que son siège est aux Etats-Unis, en Californie,
Attendu que la faute alléguée de eBay Inc. est identique à celle alléguée de eBay International AG,
Attendu que le Tribunal de céans constate l'absence de dispositions conventionnelles entre la France et les Etats-Unis relativement aux conflits de juridictions,
Attendu que la Cour de cassation rappelle l'extension des règles de compétence interne à l'ordre international,
Attendu que, selon l'article 46 du Code de Procédure civile, le défendeur peut, en matière délictuelle, saisir la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi,
Attendu que la jurisprudence, dans le cadre de cet article 46, consacre le critère de l'accessibilité d'un site étranger au public français pour retenir la compétence des juridictions françaises,
Le Tribunal en conséquence dira eBay Inc. mal fondée en son exception d'incompétence et se dira compétent.
IV. SUR LE FOND DU LITIGE
A. Moyens des parties
1/ Sur les fautes reprochées aux défenderesses :
LOUIS VUITTON MALLETIER produit des
procès-verbaux de constat et une étude qui montrent clairement,
selon elle, que les annonces de vente de produits diffusées sur
les sites de eBay portent sur des produits contrefaits, comme le révèlent
les indications données par les vendeurs eux-mêmes.
LOUIS VUITTON MALLETIER reproche
aux défenderesses leur refus, malgré ses mises en garde répétées
depuis 1999, de prendre des mesures de lutte efficace contre la contrefaçon,
comme par exemple obliger les vendeurs à déclarer qu'ils
garantissent l'authenticité des produits mis en vente ou encore
fermer définitivement le compte de tout vendeur dès la première
infraction.
LOUIS VUITTON MALLETIER fait valoir
que eBay ne respecte même pas ses propres engagements dans la mesure
où elle ne retire pas toujours les annonces litigieuses notifiées
par les titulaires de droits et où elle ne clôture pas le
compte de fraudeurs récidivistes.
Elle précise que les mesures
récentes prises depuis novembre 2006 par eBay témoignent
de sa négligence passée.
Sur le statut de eBay, elle observe
que eBay ne se borne pas à stocker des données mais exerce
aussi une activité de courtage, laquelle étant son activité
principale lui interdit d'exciper du régime de responsabilité
limitée réservé par le législateur à
l'hébergeur, simple prestataire technique.
Elle souligne que cette responsabilité
limitée est exclue par le législateur dès lors que,
comme en l'espèce, l'usager du service agit sous le contrôle
du prestataire.
eBay rétorque sur ces
points en faisant observer
- que son activité est bien
celle d'un hébergeur de site et qu'à ce titre elle bénéficie
du régime de responsabilité limitée prévu par
la loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique,
- qu'elle respecte les obligations
posées par cette loi en retirant immédiatement, dès
notification d'un tiers, les annonces manifestement illicites,
- que les annonces dénoncées
par LOUIS VUITTON MALLETIER n'offrent pas ce caractère,
- qu'elle a mis en Ïuvre un
programme Vero de lutte contre la contrefaçon auquel LOUIS VUITTON
MALLETIER n'a pas jugé opportun d'adhérer,
- que les mesures additionnelles
que eBay a prises depuis novembre 2006 sont un nouveau témoignage
de sa volonté de lutter efficacement contre la contrefaçon
tout en veillant à préserver la liberté d'expression
des internautes.
2/ Sur le préjudice :
Pour LOUIS VUITTON MALLETIER, le
préjudice que lui cause le comportement fautif de eBay réside
dans :
- l'exploitation fautive des droits
liée à la perception par eBay d'une rémunération
sur chaque vente de produits contrefaits, ce qui ouvre droit à une
redevance indemnitaire au profit de LOUIS VUITTON MALLETIER,
- l'atteinte à l'image de
LOUIS VUITTON MALLETIER et
- le préjudice moral.
Pour le montant de son préjudice
à ces divers titres, LOUIS VUITTON MALLETIER se fonde sur
l'évaluation fournie dans le rapport de l'expert M. Nussenbaum.
S'agissant de la redevance indemnitaire
: estimant à 1.602.729 € par an la commission perçue
par eBay à l'occasion de la vente des produits litigieux et retenant
un pourcentage de 90% de produits contrefaits, M. Nussenbaum évalue
la redevance indemnitaire due par eBay à LOUIS VUITTON MALLETIER
pour la période 2001-2006 à 7.920.000 €.
Quant au préjudice d'atteinte
à l'image de marque, M. Nussenbaum, estimant les revenus de eBay
tirés de l'insertion et de la mise en valeur des annonces à
1.032.462 € par an et appliquant un coefficient multiplicateur de
4, évalue au montant de 10.260.000 € le préjudice subi
par LOUIS VUITTON MALLETIER pour la période 2001-2006.
LOUIS VUITTON MALLETIER excipe aussi
d'un préjudice moral qu'elle estime à 2.000.000 €.
eBay conteste le caractère
personnel, direct et certain du préjudice allégué
aux motifs que LOUIS VUITTON MALLETIER n'aurait pas établi être
titulaire de la marque Vuitton ni justifié de la conclusion de contrats
de licence et de la perception de redevances en exécution de ces
contrats. Elle précise qu'il n'existe aucun risque de confusion
entre les produits « Vuitton » authentiques et les produits
« Vuitton » contrefaits vendus sur les sites de eBay.
Sur le montant du préjudice
allégué par LOUIS VUITTON MALLETIER, eBay relève que
l'expert n'aurait dû prendre en compte que les produits vendus sur
le site eBay.fr compte tenu de la compétence du Tribunal de céans
et que les hypothèses statistiques et économiques retenues
par l'expert ne sont pas validées.
3/ Sur les demandes reconventionnelles de eBay :
Considérant avoir été
victime d'une campagne de presse qui a atteint son image, eBay excipe d'un
préjudice qu'elle estime à la somme de 10.000.000 €.
Elle précise avoir dû
mobiliser des ressources pour répondre aux interrogations des internautes
et estime avoir également subi un préjudice moral.
eBay sollicite en outre une expertise
technique visant à établir les actions, moyens et procédures
qu'elle a mis en place pour lutter contre la contrefaçon et le taux
de contrefaçon des produits de LOUIS VUITTON MALLETIER offerts à
la vente à la suite de la mise en Ïuvre de ces moyens.
LOUIS VUITTON MALLETIER conteste le bien fondé de l'ensemble de ces demandes reconventionnelles. Elle juge en particulier inutile et inappropriée l'expertise sollicitée dans la mesure où il s'agit pour le Tribunal d'apprécier le comportement de eBay de 2001 à 2006, avant la mise en place des mesures prises depuis novembre 2006 par eBay ainsi que le préjudice né pour LOUIS VUITTON MALLETIER de ce comportement fautif.
B. Motifs de la décision au fond
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER crée, fabrique et commercialise des produits de maroquinerie et de prêt-à-porter de luxe sous la marque Louis Vuitton, que cette marque bénéficie, après des décennies d'un travail considérable reconnu, d'une notoriété mondiale exceptionnelle la plaçant parmi les plus prestigieuses marques du monde,
Attendu que cette notoriété voulue et entretenue par la société LOUIS VUITTON MALLETIER suscite par ailleurs de nombreuses convoitises qui se manifestent notamment sous la forme de contrefaçons ou d'activités parasitaires diverses,
Attendu que la mondialisation des échanges et l'apparition de nouveaux moyens de communication liés à la liberté du commerce ont favorisé la commercialisation de produits frauduleux dont ceux faisant l'objet de la contrefaçon, fléau de l'économie légale,
Attendu qu'il est et a été démontré depuis plusieurs années que la société LOUIS VUITTON MALLETIER est victime de la commercialisation sur Internet d'un nombre sans cesse croissant de produits de contrefaçon et que cette pratique de vente de tels produits prospère notamment sur les sites des sociétés défenderesses à l'instance dénommées plus généralement eBay,
Attendu qu'eBay est l'acteur majeur du commerce électronique, qu'il représente plusieurs centaines de millions d'utilisateurs, qu'il permet, comme sa devise l'indique, « à n'importe qui, n'importe où et n'importe quand, d'offrir, de vendre ou d'acheter pratiquement tout ce qu'il ou elle souhaite... selon un système d'achat immédiat et un système d'enchères, communément appelé enchères en ligne »,
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER reproche à eBay, qui le conteste, d'avoir commis des fautes récurrentes par sa grave négligence en n'ayant mis aucun moyen efficace technique et humain afin d'empêcher la vente de produits de contrefaçon sur ses sites et bien plus encore d'avoir perçu des commissions sur toutes les ventes litigieuses, favorisant ainsi ce commerce illicite dans l'intérêt manifeste de percevoir des revenus,
Attendu que le Tribunal, ayant examiné l'ensemble des pièces, éléments, arguments fournis par les parties et entendu celles-ci en leurs longues explications, estime qu'il convient, avant d'examiner les éventuelles fautes et responsabilités qui pourraient exister, de déterminer le statut exact de l'activité de eBay.
1/ Le statut de eBay :
Attenu que eBay revendique le simple statut d'hébergeur, souhaite bénéficier à ce titre de l'article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 pour s'exonérer de toute responsabilité directe et renvoie à la responsabilité des utilisateurs de ses sites pour tous les actes de fraude qui s'y commettraient,
Attendu cependant que eBay reconnaît que les fraudes existent, sont importantes et doivent être combattues, qu'elle déclare participer pleinement à la lutte contre la contrefaçon en rappelant sans cesse aux utilisateurs de ses sites le respect de la loi et des règlements en vigueur, en ayant mis en place un système intitulé « Vero » qui est un « programme d'aide à la protection de la propriété intellectuelle » et en remboursant les utilisateurs victimes de la contrefaçon dans la limite de 150 €,
Mais attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER prétend que eBay a quand même engagé sa responsabilité civile à son égard en application du statut de prestataire de service d'hébergement et lui conteste la qualité d'hébergeur seul car eBay ne se contente pas d'effectuer une prestation de stockage mais déploie une autre activité : celle de courtier,
Attendu en effet qu'il est manifeste que eBay est un site de courtage et que les sociétés défenderesses ne peuvent bénéficier de la qualité d'intermédiaires techniques au sens de l'article 6 de la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l'économie numérique car elles déploient une activité commerciale rémunérée sur la vente des produits aux enchères et ne limitent donc pas cette activité à celle d'hébergeur de sites Internet qui permettrait à eBay de bénéficier des dispositions applicables aux seuls hébergeurs,
Attendu qu'ainsi le Tribunal constate que l'essence de la prestation de eBay est l'intermédiation entre vendeurs et acheteurs, que eBay met en place des outils destinés spécifiquement à assurer la promotion et le développement des ventes sur ses sites à travers un « gestionnaire des ventes » avec création de « boutiques » en ligne, la possibilité de devenir « PowerSeller », que eBay est donc un acteur incontournable de la vente sur ses sites et joue un rôle très actif notamment par des relances commerciales pour augmenter le nombre de transactions générant des commissions à son profit,
Attendu qu'il est démontré au travers des pièces et éléments fournis que eBay dispose d'un service commercial performant de courtage et constitue un acteur leader du commerce électronique, que ses prestations d'hébergement et de courtage sont indivisibles car eBay n'offre un service de stockage des annonces que dans le seul but d'assurer le courtage, c'est-à-dire l'intermédiation entre les vendeurs et les acheteurs, et de recevoir la commission correspondante,
Attendu en outre que le régime de responsabilité dérogatoire des hébergeurs ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous le contrôle ou l'autorité de l'hébergeur comme c'est le cas en l'espèce, eBay agissant principalement en courtier et offrant un service qui, par sa nature, n'implique pas l'absence de connaissance et de contrôle des informations transmises sur ses sites,
Attendu en conséquence que eBay, en sa qualité de courtier, ne bénéficie pas d'un statut dérogatoire au titre de sa responsabilité et relève donc, comme tout acteur du commerce, du régime commun de la responsabilité civile.
2/ Sur les fautes reprochées par LOUIS VUITTON MALLETIER à eBay :
Attendu que la mission d'un courtier vise à rapprocher deux parties, en l'espèce le vendeur et l'acheteur, que le courtier ne peut prendre part, à un titre ou à un autre à une opération illicite,
Attendu qu'en l'espèce il est reproché à eBay d'avoir pris part à la commercialisation de marchandises contrefaites, que de nombreux constats d'huissiers ont été communiqués au Tribunal, peu important qu'ils soient contestés par les sociétés défenderesses sur leur forme, la preuve en matière commerciale étant libre,
Attendu qu'il a été démontré au Tribunal que les sites de eBay ont favorisé et amplifié la commercialisation à très grande échelle par le biais de la vente électronique de produits de contrefaçon,
Attendu que cette participation essentielle de eBay à la commercialisation des produits de contrefaçon notamment des marques LOUIS VUITTON est constitutive de fautes,
Attendu en effet que eBay a manqué à son obligation de s'assurer que son activité ne génère pas d'actes illicites, en l'espèce d'actes de contrefaçon, au préjudice d'un acteur économique tel que la société LOUIS VUITTON MALLETIER, que eBay a également manqué à son obligation de vérifier que les vendeurs qui réalisent à titre habituel de nombreuses transactions sur ses sites sont dûment immatriculés auprès des administrations compétentes et, en France, au Registre du Commerce et des Sociétés ou au Répertoire des Métiers, ainsi qu'auprès des organismes sociaux ou autres,
Attendu que les annonces et les transactions portant sur des produits de contrefaçon apparaissent avec évidence, soit par des mentions de type « belle imitation d'un célèbre modèle Louis Vuitton », soit au simple constat des prix pratiqués et des quantités offertes,
Attendu que eBay reconnaît d'ailleurs que la quantité de produits vendus est révélatrice de leur caractère contrefaisant, que l'obligation générale de surveillance n'est pas respectée,
Attendu qu'il apparaît que la responsabilité de eBay est d'autant plus importante qu'elle a délibérément refusé de mettre en place les mesures efficaces et appropriées pour lutter contre la contrefaçon, comme celles consistant à imposer aux vendeurs de fournir sur simple demande la facture d'achat ou un certificat d'authenticité des produits mis en vente, à sanctionner tout vendeur fautif en fermant définitivement son compte dès la constatation de la faute, à retirer immédiatement les annonces illicites signalées par les services de la société LOUIS VUITTON MALLETIER chargés de la lutte contre la contrefaçon,
Attendu en outre que eBay n'est pas fondée à demander aux sociétés victimes de contrefaçon sur ses sites de contribuer financièrement à la lutte engagée contre les actes illicites commis sur ses sites,
Attendu que si des mesures récentes ont été prises par eBay, elles témoignent de sa négligence passée, en l'espèce au cours des années 2001-2006, et donc de la conscience de sa responsabilité pleine et entière,
Attendu que eBay a bien commis de graves fautes d'abstention et de négligence portant atteinte aux droits de la société LOUIS VUITTON MALLETIER, desquelles elle doit réparation conformément aux articles 1382 et 1383 du Code civil.
3 / Sur le préjudice :
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER invoque trois types de préjudices :
a/ Sur l'exploitation fautive des droits de LOUIS VUITTON MALLETIER :
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER invoque au titre d'une jurisprudence constante le droit de demander le paiement d'une redevance indemnitaire égale en l'espèce aux commissions perçues par eBay, à laquelle il convient d'appliquer un coefficient multiplicateur des droits qu'elle détient et qu'elle n'a pas librement consentis (C.A. Paris 3 février 2006),
Attendu qu'au vu des explications et éléments fournis par la demanderesse le Tribunal dira que le caractère personnel, direct et certain du préjudice est établi et qu'il convient de le réparer,
Attendu que le rapport d'un expert réputé, Monsieur Maurice Nussembaum, rapport réalisé cependant non contradictoirement, a été versé aux débats pour éclairer le Tribunal, qu'au terme de son étude cet expert a constaté, à partir des propres données statistiques de eBay, qu'au cours des mois d'avril à juin 2006, 149.739 annonces incluant la marque Louis Vuitton sont passées sur l'ensemble des sites de eBay et ont donné lieu à 96 581 ventes effectives ; que le prix moyen de ces ventes a été de 96,50 €,
Attendu que l'expert a estimé
la commission de eBay sur la période considérée à
400.682 €, soit 1.602.729 € par an, que sur ces bases :
en considération d'une étude
menée par LOUIS VUITTON MALLETIER conduisant à un taux de
90% de produits « Vuitton » contrefaits offerts à la
vente sur les sites de eBay,
en admettant que les commissions
perçues par eBay sur les produits contrefaits aient connu une évolution
comparable au chiffre d'affaires consolidé de eBay sur tous produits
confondus,
en extrapolant le montant des commissions
perçues par eBay au titre des produits contrefaits sur un trimestre
(avril -juin 2006) à l'ensemble d'une année (par une multiplication
par 4),
en appliquant un coefficient multiplicateur
de 2 correspondant à un taux de licence majoré,
en retenant une période de
référence de 5 ans à compter du 30 juin 2001 jusqu'au
30 juin 2006,
et en appliquant un taux de capitalisation
de 4% pour actualiser le montant de la redevance indemnitaire,
Monsieur Maurice Nussembaum a évalué
l'indemnité qui serait due à LOUIS VUITTON MALLETIER au titre
des années 2001 à 2006 à la somme de 7.920.000 €,
Attendu cependant que les sociétés défenderesses contestent l'indemnité calculée par cet expert, d'une part au titre de la limitation de compétence du Tribunal au préjudice de LOUIS VUITTON MALLETIER subi en France et, d'autre part, au motif que cette étude aurait été réalisée sur la base de critères non objectifs,
Mais attendu que le Tribunal s'est déclaré compétent pour l'ensemble du litige posé sans limite territoriale, qu'il fera siens les critères pertinents de l'expert admis eux-mêmes dans les écritures des défenderesses notamment en ce que les copies sont « souvent identifiables par leur prix » et que « les annonces qui proposent dans certaines conditions des objets particulièrement exposés à la contrefaçon sont /.../ par exemple /.../ des annonces proposant en quantité ce type d'objets »,
Attendu que les hypothèses statistiques et économiques retenues par l'expert pour réaliser son évaluation apparaissent parfaitement fondées, qu'en conséquence le Tribunal fera sienne cette évaluation, dira la société LOUIS VUITTON MALLETIER bien fondée en sa demande de réparation du préjudice au titre de l'exploitation fautive des droits et condamnera in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à verser à la société LOUIS VUITTON MALLETIER une indemnité de 7.920.000 € à titre de redevance indemnitaire de ses droits.
b/ Sur l'atteinte à l'image :
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER invoque l'existence d'une publicité négative pour les titulaires de droits à la suite de la parution d'annonces de ventes de produits contrefaits sur les sites de eBay et demande au Tribunal de réparer son préjudice qui correspondrait aux dépenses que ce titulaire doit engager pour neutraliser l'atteinte de eBay à son image,
Attendu que les sociétés défenderesses contestent l'existence d'un tel préjudice en avançant un certain nombre d'arguments sans apporter les éléments de preuve nécessaires,
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER apporte tous les éléments utiles à l'appréciation par le Tribunal du préjudice direct qu'elle subit au titre de son image et pour lequel elle est en droit d'obtenir réparation,
Attendu que le préjudice d'image pour une société de premier rang mondial opérant dans les produits de luxe, est considérable, que le préjudice invoqué par la société LOUIS VUITTON MALLETIER n'est pas évalué sur la base des investissements réalisés pour la promotion de ses marques, mais sur la base des revenus perçus par eBay au titre de l'insertion et de la mise en valeur des annonces illicites parues sur Internet,
Attendu que la vente de produits contrefaits sur Internet dégrade l'image des produits de luxe des marques Louis Vuitton et que le caractère personnel, direct et certain du préjudice subi par la société LOUIS VUITTON MALLETIER est constant,
Attendu que là encore le Tribunal, après avoir vérifié que l'expert a procédé à des évaluations au regard des propres données statistiques de eBay, fera sienne la méthode de calcul de l'expert car elle est adaptée aux éléments connus à partir des revenus perçus par eBay au titre de l'insertion et de la mise en valeur des annonces et applique un coefficient multiplicateur de 4 prenant en compte la nécessité de contrecarrer l'atteinte à l'image,
Attendu que les revenus de eBay,
selon les données statistiques qu'elle fournit elle-même,
sont estimés à ce titre par l'expert à 1.032.462 €
par an, que sur ces bases :
- en retenant des hypothèses
identiques à celles retenues pour le préjudice subi au titre
de l'exploitation fautive des droits de LOUIS VUITTON MALLETIER,
- en appliquant un coefficient multiplicateur
de 4,
le montant total indemnitaire réclamé
calculé par le même expert s'élève au titre
des années 2001 à 2006 à 10.260.000 €,
Attendu que eBay conteste cette évaluation sans en démontrer le mal fondé,
Attendu en effet que l'application d'un coefficient de 4 au lieu de 2 se justifie par le fait qu'il est plus onéreux de neutraliser une atteinte à l'image que de dégrader cette image,
Attendu que le Tribunal retiendra, pour tenir compte de cette réalité, le coefficient multiplicateur de 4 et condamnera in solidum les sociétés eBay Inc et eBay International AG à payer à la société LOUIS VUITTON MALLETIER une indemnité de 10.260.000 € au titre de la réparation de son préjudice d'image.
c/ Sur le préjudice moral :
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER invoque également l'existence d'un préjudice moral causé par la vente massive de produits contrefaits sur les sites de eBay, affectant progressivement les efforts considérables de création et de qualité qui distinguent les produits commercialisés par LOUIS VUITTON MALLETIER,
Attendu qu'en effet la négligence et l'abstention coupables de eBay à l'égard de la contrefaçon portent directement atteinte aux efforts et valeurs de LOUIS VUITTON MALLETIER,
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER sollicite au titre de la réparation de ce préjudice une somme de 2.000.000 €,
Attendu que le Tribunal, après avoir examiné les éléments de la cause et constaté l'existence d'un préjudice moral réel et certain, fera droit au principe de cette demande,
Mais attendu que le montant sollicité ne repose pas sur une évaluation démontrée, le Tribunal, usant de son pouvoir souverain d'appréciation, fixera le montant de l'indemnité due à ce titre à 1.000.000 € et déboutera pour le surplus de la demande.
4/ Sur les demandes reconventionnelles de eBay
Attendu que eBay invoque l'existence d'une campagne de dénigrement à son encontre dans la presse française et étrangère qui aurait été orchestrée notamment par l'action de LOUIS VUITTON MALLETIER,
Mais attendu que ces assertions ne sont étayées par aucun élément de preuve, le Tribunal dira les sociétés défenderesses mal fondées et les déboutera de leur demande à ce titre,
Attendu que eBay sollicite en outre une expertise technique,
Mais attendu que cette expertise aurait pour mission d'informer le Tribunal sur la situation actuelle alors que celui-ci doit statuer sur des négligences et abstentions passées de eBay,
Attendu que cette demande d'expertise sera écartée par le Tribunal.
5/ Sur la publication du jugement
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER sollicite la publication du jugement à intervenir aux frais des défenderesses dans trois journaux de presse française et/ou internationale de son choix,
Attendu que la mesure est nécessaire, le Tribunal y fera droit dans la limite de 5.000 € par insertion,
Attendu que la société LOUIS VUITTON MALLETIER demande au tribunal d'ordonner à eBay Inc. et eBay International AG de publier le jugement à intervenir sur l'ensemble des sites eBay pendant trois semaines à compter du jugement à intervenir,
Attendu que vu les fautes commises et la nécessité d'informer les utilisateurs des sites de la responsabilité des sociétés défenderesses, le Tribunal y fera également droit, cette publication devant avoir lieu en langue française et en langue anglaise,
Attendu d'autre part que pour faire reconnaître ses droits la société LOUIS VUITTON MALLETIER a engagé des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge, le Tribunal condamnera in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à lui payer la somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du CPC, déboutant pour le surplus,
Attendu que vu la nature de l'affaire le Tribunal l'estime nécessaire, il ordonnera l'exécution provisoire de ce jugement, sauf en ce qui concerne les publications du jugement sollicitées,
Attendu que le Tribunal rejettera toutes prétentions autres, plus amples ou contraires des parties, les en déboutera,
Attendu que les entiers dépens seront mis à la charge des sociétés eBay Inc et eBay International AG in solidum,
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,
Dit les sociétés eBay Inc. et eBay International AG mal fondées en leurs demandes d'exception d'incompétence et les en déboute,
Se déclare compétent pour statuer sur le présent litige sans restriction aucune,
Dit que les sociétés eBay Inc. et eBay International AG n'ont pas la seule qualité d'hébergeur et ne peuvent en conséquence bénéficier au titre de leur statut de courtier des dispositions de l'article 6.1.2 de la loi du 21 juin 2004 portant sur la confiance dans l'économie numérique,
Constate que les sociétés eBay Inc. et eBay International AG ont commis des fautes graves en manquant à leur obligation de s'assurer que leur activité ne générait pas des actes illicites au préjudice de la SA LOUIS VUITTON MALLETIER,
Dit que ces manquements ont été préjudiciables à la SA LOUIS VUITTON MALLETIER et nécessitent réparation,
En conséquence :
Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à payer à la SA LOUIS VUITTON MALLETIER une somme de 7.920.000 € à titre de redevance indemnitaire pour l'exploitation fautive des droits du titulaire,
Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à payer à la SA LOUIS VUITTON MALLETIER une somme de 10.260.000 € à titre de réparation de son préjudice d'image,
Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à payer à la SA LOUIS VUITTON MALLETIER une somme de 1.000.000 € à titre de réparation de son préjudice moral, déboutant pour le surplus de la demande,
Dit les sociétés eBay Inc. et eBay International AG mal fondées en l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles et les en déboute,
Autorise la SA LOUIS VUITTON MALLETIER à faire publier le présent jugement, aux frais des sociétés défenderesses, dans trois journaux de presse française et/ou internationale, de son choix, dans la limite de 5.000 € par insertion,
Ordonne aux sociétés eBay Inc. et eBay International AG de publier le présent jugement sur l'ensemble des sites eBay pendant une durée de trois semaines à compter de la présente décision, en langue française et en langue anglaise,
Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG à payer à la SA LOUIS VUITTON MALLETIER une somme de 100.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, déboutant pour le surplus de la demande,
Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement sauf en ce qui concerne ses publications,
Rejette toutes prétentions autres, plus amples ou contraires des parties, les en déboute,
Condamne in solidum les sociétés eBay Inc. et eBay International AG aux entiers dépens dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de 144,36 EUROS TTC (dont TVA. 23,44 EUROS).
Retenu et plaidé à l'audience publique du 14 avril 2008 où siégeaient Messieurs GERONIMI, HOMO et BURIN des ROZIERS, en présence de Monsieur LECUE, Vice Procureur de la République.
Délibéré
par Messieurs GERONIMI, HOMO et BURIN des ROZIERS et prononcé à
l'audience publique où siégeaient , en présence de
Monsieur LECUE, Vice Procureur de la République.
Monsieur GERONIMI, Président
présidant l'audience, Monsieur HOMO, Président, Messieurs
ARNOUX, BURIN des ROZIERS, GUERIN, BEGON-LOURS et GRUTER, Juges, assistés
de Mademoiselle DANCHOT, Greffier. Les parties en ayant été
préalablement avisées.
La minute du jugement est signée
par le Président du délibéré et le Greffier.
Cabinet d'avocats