DANIEL ARTHUR LAPRES

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DROIT COMMUNAUTAIRE AFFERANT AUX SYSTEMES DE NEGOCIATION ALTERNATIFS

La Revue du Financier, Paris Octobre 2003

Par

Daniel Arthur Laprès

Avocat à la Cour d'Appel de Paris Barrister and Solicitor (Nouvelle Ecosse) Professeur, Faculté Libre de Droit, d'Economie et de Gestion (Paris)

 

RESUME

 

L'essor des systèmes de négociation alternatifs (SNA) illustre l'impact de la numérisation des informations sur le paradigme actuel de la régulation des échanges de valeurs mobilières. Tout en réduisant les barrières à l'entrée sur les marchés financiers, la numérisation des opérations compromet les perspectives de rentabilité des opérateurs en poussant les coûts variables vers zéro. La numérisation des opérations obscurcit les distinctions fondamentales de l'édifice réglementaire de la Communauté Européenne. Les SNAs fonctionnent à la frontière entre les sociétés d'investissements et les marchés réglementés. Le régulateur est conduit à arbitrer entre la réduction des coûts favorisée par la concurrence qu'attisent les SNAs, d'une part et la réduction de risques puisque les SNAs tendent au contraire à fragmenter les marchés, d'autre part. Le Commission of European Securities Regulators (CESR) a proposé une réglementation spécifique dont le champ d'application se limite aux opérations entre sociétés d'investissement. En ce sens, le CESR renonce à tirer toutes les conséquences de la logique de la numérisation des marchés financiers.


ABSTRACT


The spread of alternative trading systems (ATSs) illustrates the impact of the digitization of information on the current regulatory paradigm applicable to online exchanges of securities. While digitization has lowered entry barriers to the financial markets, it has compromised the prospects of profitability in a competitive environment for operators the variable costs of which tend toward zero. The digitization of information obscures the boundary between investment services company and regulated market. Regulators are led to make trade-offs between reduced costs from the competition provided by ATSs on the one hand, and minimizing risks by consolidating markets whereas ATS tend to fragment them, on the other hand. The Commission of European Securities Regulators (CESR) has issued specific regulations covering operations between investment services companies. To that extent, the CESR reforms do not draw the full consequences of the logic of digitization on the financial markets.

 

I. - Introduction

Les systèmes de négociation alternatifs (SNA) servent à transposer des systèmes d'échanges de valeurs mobilières standardisées fonctionnant par téléphone en systèmes d'échange bilatéraux ou multilatéraux fonctionnant sur écrans. Lorsque des valeurs mobilières échangées sur les marchés réglementés sont négociées sur des SNAs, ces derniers s'apparentent pour autant à des marchés réglementés. En plus, des systèmes aussi peu sophistiqués que des tableaux d'affichage (bulletin boards) permettant aux acheteurs et vendeurs de valeurs mobilières de se rencontrer peuvent engendrer des relations entre SNA et le public non-professionnel. 
Dès 2000, la Commission Européenne avait compté une vingtaine de SNAs[1] en activité sur le territoire de la Communauté. Plusieurs SNAs ont officiellement répondu à l'appel de la Commission of European Securities Regulators (CESR) aux commentaires à propos du régime juridique leur applicable: BrokerTec,[2] Instinet ITG, Tradeweb,[3] MTS Amsterdam,[4] EuroMts.[5]

La montée en puissance des SNAs illustre comment la numérisation des informations bouleverse les marchés financiers. Les coûts de leur stockage, traitement et exploitation ont tellement chuté que des fonctions jadis engendrant encore des économies même à des échelles d'organisation correspondant au monopole, tels que celles accomplies par les bourses, sont désormais susceptibles d'être désagrégées et traitées de manière rentable par une multiplicité d'organisations. Par exemple, la possibilité nouvelle de fonctionner avec des ordinateurs personnels a considérablement diminué une des principales barrières économiques à l'exploitation des activités de prestataire de services financiers.

De manière générale, l'essor des SNAs oblige les autorités à choisir entre la consolidation et la fragmentation des marchés financiers, le premier facteur de liquidité et donc de réduction de risque, le second de concurrence et, pour autant, d'efficience. Si les SNA réussissent à accomplir certaines fonctions à des coûts moins élevés que ceux encourus en passant les opérations par des marchés réglementés, notamment si la charge administrative leur incombant est moins lourde, il y a un gain en efficience. La question est de savoir si ce gain n'est pas obtenu à un prix excessif en termes de fragmentation du marché, de transparence des informations et de risques systémiques accrus.

Les législateurs et régulateurs ont à concilier les intérêts défendus par les autorités chargées des marchés réglementés, ceux des SNAs dont la plupart sont des sociétés d'investissement susceptibles donc de se trouver sous la tutelle d'autorités compétentes des marchés réglementés avec lesquels les SNAs à plusieurs égards pourraient être en concurrence, et ceux des utilisateurs des SNAs, ainsi que ceux des clients de ces utilisateurs dont éventuellement des non-professionels ou des consommateurs.

Un défi endémique de la construction européenne concerne la répartition des compétences parmi les Etats membres pour toute entreprise exploitant des activités dans plusieurs Etats. La Commission considère ce problème comme étant un des principaux obstacles à la réalisation du marché unique pour les services financiers. La mise en ligne des services financiers rend plus difficile encore la répartition des compétences du fait de sa multiplication des Etats dont les internautes sont susceptibles d'accéder aux sites des opérateurs financiers.


1.- Cadre réglementaire général


Deux des piliers de l'architecture de la DSI sont les distinctions entre, d'une part, les sociétés d'investissement et les marchés réglementés et, d'autre part, entre les professionnels et les non-professionnels.

Le marché réglementé correspond à tout marché de valeurs mobilières[6] reconnu comme tel par son Etat membre d'origine fonctionnant régulièrement, et dont les autorités compétentes définissent les conditions de fonctionnement du marché, les conditions d'accès au marché, ainsi que les conditions de négociation des valeurs.[7] Les autorités compétentes des marchés réglementés veuillent au respect des obligations de déclaration et de transparence imposées aux sociétés d'investissement.

Un Etat membre peut exiger que les transactions rattachées à son territoire[8] soient effectuées sur un marché réglementé. Un Etat membre serait amené à agir ainsi afin de consolider les flux et augmenter la liquidité, et afin de rassurer les investisseurs non-professionnels. L'essor d'Euronext fournit une illustration de cette tendance vers la consolidation.[9]

L'équilibre entre les parties aux contrats financiers repose sur une distinction entre les professionnels et les non professionnels. La protection objective des non-professionnels est imposée par le régime général, quitte à ce que les professionnels qui se reconnaissent entre eux en fonction de critères objectifs puissent conclure leurs contrats avec une plus grande souplesse.[10] Ainsi le CESR a élaboré des règles de conduite pour les sociétésd'investissement[11] lequel régime a reçu l'approbation de la Commission Européenne.[12]

En application de la Directive sur le commerce électronique (DCE), les SNA seront considérés comme des prestataires et/ou des fournisseurs de services. Sur ces distinctions se superpose celle entre les consommateurs et les professionnels retrouvée dans la DCE aussi bien que dans la nouvelle Directive visant les services financiers livrés à distance à des consommateurs, et aussi dans la Convention de Rome sur la loi applicable.[13] Ces dernières sources trient les consommateurs selon qu'ils aient agi à des fins qui entrent ou qui n'entrent pas dans le cadre de leurs activités professionnelles ou commerciales. Par contre, alors que la DCE et la nouvelle Directive sur la commercialisation à distance de services financiers[14]limitent la classe des consommateurs aux seules personnes physiques, la Convention de Rome n'exclut pas les personnes morales des protections spécifiquement attribuées aux consommateurs. 

Sous les régimes instaurés par la DCE et la Directive sur la vente en ligne de services financiers aux consommateurs, l'Etat d'origine de tout opérateur sera compétent pour son contrôle.[15] Les deux directives érigent un échafaudage complexe de normes enchevêtrées concernant notamment les obligations de communication des opérateurs de sites avec leurs clients, et encadrant la conclusion des contrats. 


1.2. - Contexte économique


La transposition des opérations financières en ligne fournit un cas d'école illustrant la nature de l'information en tant que facteur économique. L'information, matière première des échanges financiers dématérialisés, est en effet un exemple arche typique du bien public (public good), et à ce titre elle pose à ses exploitants de multiples défis.

Alors que le coût du développement et du traitement de l'information peut être considérable notamment en heures d'ingénieurs informaticiens, et alors que ce processus peut nécessiter des investissements très importants en équipements informatiques, le coût de la dissémination de cette information tend vers zéro.[16]

Aussi, dès qu'une information est divulguée dans un format numérisé, il devient difficile d'en limiter la circulation ultérieure, de s'en réserver l'exclusivité. 

En plus, l'utilisation de toute information par un consommateur n'empêche pas son exploitation ultérieure par toute autre personne, ce qui équivaut à dire en termes plus techniques que l'information n'engendre pas de rivalités de consommation. 

En l'absence des protections au titre de la propriété intellectuelle,[17] la concurrence dans la fourniture de biens publics aboutit souvent à un marché organisé en oligopole sur lequel sont pratiqués des prix planchers, plus ou moins explicitement conjugués, hissés à des niveaux supérieurs aux coûts marginaux de la prestation.[18]

Le faible coût marginal de la communication d'informations financières permet de désagréger les structures intermédiaires. La taille de la structure d'un intermédiaire financier est déterminée par application des règles d'optimisation de sa technologie de traitement de l'information. 

Lorsque l'ordinateur personnel met à la disposition des non-professionnels des moyens d'intervention sur le marché comparables à ceux dont sont dotés les professionnels, la distinction entre les deux devient plus difficile. Ainsi le rôle des intermédiaires financiers est contesté lorsque les épargnants et les émetteurs d'instruments financiers sont susceptibles d'entrer en relation directe, et encore, à un autre niveau, lorsque les parties peuvent s'échanger en direct des valeurs mobilières sur le web, ou encore à un autre niveau lorsqu'un émetteur peut entretenir sur son site un marché pour ses propres valeurs mobilières. 

Lorsqu'un opérateur peut créer un système informatisé de consolidation et d'échanges d'ordres, il peut court-circuiter en termes réglementaires et supplanter en termes commerciaux les autorités compétentes du marché réglementé.

Parallèlement à ces tendances, les marchés réglementés traditionnellement mutualisés passent progressivement sous le contrôle d'organisations externes motivées par le gain de bénéfices. Les risques de conflits d'intérêts entre les autorités chargées des marchés réglementés et les opérateurs de SNA éventuellement soumis à leur tutelle n'en seront qu'exacerbés.


2. - Les questions posées par les SNA ?

Toute l'économie de la distinction entre marché réglementé et société d'investissement est taxée lorsque des opérateurs peuvent accomplir la fonction économique du marché réglementé sans en assumer les charges. Le dilemme en termes économiques consiste en ce que les marchés réglementés assument des coûts pour organiser administrer et contrôler le régime de divulgation d'informations dont peuvent bénéficier les SNAs en relation avec leur offre de traitement des échanges, fonction jalousement gardée par les autorités qui en sont compétentes. Certes ce problème dit du free rider n'est pas unique aux marchés financiers. Pour encourager les entrants sur un marché essaimé de free riders, il y a lieu de leur assurer des avantages compensatoires : un monopole légal, au moins pour certaines prestations lucratives, des subventions, des prix fixés administrativement. L'issue d'une évolution en auto-pilote d'un marché pour un bien public est incertaine.


2.1. - Relations avec les bourses


Dans la mesure oû les SNAs en UE sont en fait qualifiées en tant que sociétés d'investissement, la question du besoin d'autorisation pour créer un SNA ne s'est apparemment pas encore posée. Par contre, aux Etats-Unis, la Securities and Exchange Commission a créé un précédent en émettant une no-action letter par rapport au bulletin board de l'IPO de Spring Street Brewery, par la suite développé en site d'échanges de titres.

Il y a lieu de rechercher dans quelle mesure les SNAs sont soumis à un contrôle spécifique par les marchés réglementés dont ils dépendent éventuellement en tant que société d'investissement. La question intéresse les autorités chargées des marchés réglementés qui peuvent à juste titre se sentir exposées à la critique de déloyauté si elles sont trop envahissantes par rapport aux SNAs. Mais, pour autant que tout SNA s'arrogeait une influence significative sur les cours de tout marché d'un instrument sur son système, il surviendrait des risques systémiques potentiels. Ces risques couvrent bien entendu toute la gamme des sources : technologiques, naturelles, humaines. D'un autre côté, les objectifs que sont l'innovation et la concurrence inciteraient à la simplification des procédures et à l'allégement des charges administratives à l'égard de SNAs fonctionnant à des échelles sans conséquence systémique. Mais enfin, même dans les cas de SNA à petite échelle, mais traitant avec des non-professionnels, la confiance pourrait être atteinte en cas d'anomalies dans les échanges. Bref, il n'est pas simple d'équilibrer l'ensemble des intérêts en jeu.

Sauf à ce que les opérations soient réalisées entre professionnels, les instruments échangés sur les SNAs devront être agréés par les autorités compétentes. Si le bien fondé de cette exigence paraît incontestable, on aurait pu imaginer des scénarios dans lesquels un titre négocié sur un SNA serait agréé en application de procédures allégées ; il en a été ainsi après tout lorsque la SEC a rendu sa no action letter en faveur de Wit Capital. 


2.2. - Relations des SNAs avec leurs clients


S'agissant des SNAs exploités par des sociétés d'investissement, leurs relations avec les clients sont encadrées par la DSI ainsi que par les règles de bonne conduite telles que définies en particulier par la Commission of European Securities Regulators.

De fait, les utilisateurs de SNA en UE semblent être aussi des sociétés d'investissement. Mais, sauf à interdire l'ouverture de SNAs traitant avec les non-professionnels, toute réglementation prospective avec une ambition généraliste aurait à intégrer la possibilité d'utilisateurs de SNA susceptibles d'être qualifiés en tant que consommateurs au sens des réglementations communautaires telles que la Directive relative aux services financiers commercialisés à distance auprès des consommateurs. Tout opérateur de SNA susceptible d'être en relation avec des consommateurs doit se soucier de l'implication pour son activité des réglementations communautaires applicables aux prestations de la société d'information.

Des difficultés spécifiques inhérentes aux SNAs concernent surtout les conditions de la fixation des prix auxquels les ordres sont traités. Personne ne nie qu'il faut réguler les conditions de fixation du prix d'exécution par les mandataires agissant simultanément pour leur propre compte pour éviter les abus tels que le front loading. La question devient alors : quelle est l'obligation de recherche du prix le meilleur ? Or s'agissant d'un SNA par hypothèse à accès restreint, il y a lieu de clarifier si le mandataire doit projeter sa recherche au-delà de son propre système. 

Au bas mot, cette règle entraînerait des coûts pour les opérateurs concernés, mais le gain en transparence ne serait pas systématique, par exemple, les SNAs n'affichant que les prix d'un marché réglementé n'étant a priori pas concernés par le problème.

In fine , l'obligation de chercher largement le meilleur prix tend à consolider les marchés, résultat considéré comme bénéfique en termes de liquidité et de confiance. L'obligation est importante surtout lorsque le SNA correspond à un centre de compensation interne par une société d'investissement des ordres de ses clients. 


2.3. - Relations des SNAs avec les tiers


Les opérateurs de SNA doivent-ils être obligés de communiquer à des acteurs extérieurs les prix des offres et des opérations sur leurs systèmes ? Certes, l'obligation serait superfétatoire en cas de SNAs affichant des prix par référence à un marché réglementé. Mais la recherche de la transparence et la consolidation des marchés impliqueraient une réponse générale affirmative. D'un autre côté, constatant que certains SNA avance l'anonymat des transactions comme argument de vente de leurs services, et considérant que l'obligation entraînerait des coûts, on comprend que les SNAs ne sont pas favorables à l'imposition d'une telle obligation.


2.4. - Relations des SNAs entre eux


Le CESR considère que, la concurrence étant susceptible d'inciter les opérateurs de SNAs à assurer le bon fonctionnement de leurs systèmes, les autorités pourraient relâcher pour autant les contraintes réglementaires à cet égard.

Le CESR ne soulevant pas la question des politiques de concurrence susceptibles d'être pratiquées par les SNAs, le risque d'abus pour attirer des flux d'ordres n'est pas envisagé comme un risque particulièrement aigu dans le cas des SNAs ou nécessitant alors un traitement spécifique.


3. - Le régime proposé par le Committee of European Securities Regulators 


En octobre 1999, le CESR a lancé son étude des SNAs et, en juin 2001, un groupe de ses experts a proposé un projet de normes à leur appliquer. Une révision de ces propositions à la suite des nombreux commentaires de la profession a donné lieu à une seconde consultation. Enfin, en juillet 2002, le CESR adopté un ensemble de normes spécifiques aux SNAs qui seront réitérées dans les régimes nationaux par ses régulateurs membres.

Les principaux soucis du CESR ont été d'instaurer une protection adéquate pour les utilisateurs des SNAs et de garantir l'intégrité du marché. Le CESR propose des normes concernant les obligations de communication préalablement au démarrage de ses activités par tout SNA ainsi que les obligations permanentes de transparence et de coopération dans la suppression des abus du marché.

Le CESR considère que l'application de ses recommandations entraînerait des modifications de certaines lois nationales.[19]


3.1. - Définition des SNAs


Le CESR définit un SNA comme étant:

tout système multilatéral, exploité par une entité qui, sans qu'elle ne soit soumise à toute réglementation en tant que marché réglementé, réunit de nombreuses parties intéressées par des instruments financiers, et aboutissant selon les règles non-discrétionnaires définies par l'exploitant du système à la conclusion d'un contrat.

Selon le CESR, les opérateurs tombant dans le champ d'application de cette définition seront aussi considérés comme fournissant des services d'investissement au sens attribué à cette expression dans la DSI. 

Cette définition exclut donc du champ d'application du régime les systèmes bilatéraux dans lesquels un opérateur contracte avec tous les autres intervenants en prenant à son compte les risques y afférant. Pourtant le CESR reconnaît non seulement l'importance actuelle des systèmes bilatéraux mais également leur potentiel d'engendrer des risques systémiques pour cause, par exemple, de manque de transparence. Ainsi le CESR continuera à étudier le statut des systèmes bilatéraux dans le contexte de ses études sur la transparence et l'efficience des marchés.[20]

La définition de SNA couvre tous les éléments des opérations qu'ils soient électroniques ou pas. Or, s'il fallait conjuguer cette disposition avec celles de la DCE et de celle relative à la fourniture de services financiers en ligne aux consommateurs une difficulté pourrait survenir car leur champ d'application est strictement réservée aux aspects en ligne des opérations. 

La définition inclut dans le champ d'application du régime non seulement les ordres mais aussi les expressions d'intérêt que sont les offres d'achat et de vente.

Les instruments financiers inclus dans le régime du CESR sont ceux stipulés à la section B de l'Annexe à la DSI, les autorités réglementaires conservant toute liberté de décider d'étendre le régime à d'autres instruments.

Les règles imposées par l'opérateur de tout SNA sont non-discrétionnaires en ce sens que l'opérateur ne peut pas discriminer dans leur application aux participants à son système.

Ne sont pas inclus dans le champ d'application du régime proposé les systèmes de renvoi d'ordres (order routing).

Sont également exclus du régime, sans pourtant qu'aucune explication ne soit fournie, les tableaux d'affichage (bulletin boards) pour autant que les contrats auxquels ils donneraient lieu seraient conclus de gré à gré et en dehors des règles imposées par l'opérateur dont les systèmes auraient servi simplement à présenter les parties les unes aux autres.

3.2. - Les normes de protection de l'intégrité du marché

3.2.1. - Avis

Toute société d'investissement sera soumise par son Etat d'origine à l'obligation d'informer son autorité de tutelle en cas d'ouverture d'un SNA. Cette communication devra comporter une description de ses principales caractéristiques. Toutes modifications significatives y apportées devront également donner lieu à une communication à l'autorité de tutelle.

L'avis n'est pas censé faire double emploi avec les exigences actuelles des autorités de tutelle. Seulement certains aspects du fonctionnement des SNA sont particulièrement sensibles.

Par exemple, il importera de déclarer comment les acheteurs et vendeurs sont réunis, et d'indiquer les conditions de divulgation des flux antérieurs et postérieurs à tout échange, les types d'utilisateurs, leur nombre les conditions d'accès, la nature de tous arrangements discriminant entre des classes d'utilisateurs, les instruments négociés, les conditions de compensation et de liquidation de toutes opérations.


3.2.2. - Garantie de l'équité et de la régularité des échanges


Cette norme concerne surtout l'accès des utilisateurs des SNA aux informations relatives aux flux des échanges avant et après leur entreprise de toute opération. Certes les conditions de réunion des acheteurs et vendeurs variant selon les systèmes, cette norme connaîtra des applications variables. Par exemple, les systèmes incorporant des prix fixés sur d'autres marchés (les price taking systems) se passeront éventuellement de communiquer sur leurs propres flux.

Le CESR entend faire imposer aux opérateurs des SNAs l'obligation de démontrer que leurs systèmes informatiques permettent à leurs utilisateurs d'obtenir le meilleur prix sur leur propre système au même moment et pour le même volume.


3.2.3. - Publication des informations afférant aux échanges


L'on pourrait supposer que les opérateurs de SNAs chercheront, si ce n'est que pour des raisons commerciales, à promouvoir la circulation d'informations à propos des échangessur leurs systèmes.

Mais, en tout cas, l'intégrité du marché pourrait être compromise si les informations pertinentes relatives à des opérations correspondant à une part significative de l'ensemble des échanges de tout instrument n'étaient accessibles qu'aux utilisateurs de tout SNA.

Tout opérateur de SNA organisant des échanges de valeur cotées sur un marché réglementé doit 

offrir au public à un prix raisonnable sur le plan commercial les informations concernant les offres et les ordres affichés sur son système ou annoncés comme tels dans ses publicités ainsi que celles concernant les échanges y conclus qui sont fournies aux utilisateurs du système.

Le CSR entend faire appliquer cette norme aux échanges d'instruments figurant sur la liste à la Section B de l'Annexe de la DSI. Mais il envisage que les autorités de tutelle nationale puisse l'imposer également aux échanges d'autres instruments.

Cette obligation de communication imposée aux opérateurs de SNA ne doit pas être plus onéreuse que celle 

généralement applicable aux échanges de l'instrument sur le marché réglementé dans l'Etat d'origine de l'opérateur du SNA, ou, à défaut d'un tel marché réglementé dans ce ressort, par les lois nationales de l'Etat membre régissant le marché réglementé en cause.


3.2.4. - Obligation de surveillance


Les opérateurs des SNAs seront obligés d'adopter des dispositions pour contrôler le respect des règles contractuelles sur leurs systèmes.

La formulation de cette obligation exclut du champ de contrôle des obligations imposées par les lois ou les règlements émis notamment par les autorités de tutelle des marchés réglementés. Certes pour autant que les SNAs sont en fait des sociétés d'investissement donc soumises à ce titre à la réglementation générale et au contrôle direct de leurs autorités de tutelle, aucune lacune dans l'édifice réglementaire n'apparaît. Enfin, le CESR reconnaît que la limitation du champ d'application de ses propositions aux seuls SNAs gérés par des sociétés d'investissement nécessite la poursuite de ses études, notamment dans le cadre de ses réflexions sur la transparence, pour éviter que des opérateurs de SNAs puissent s'insérer dans une interstice de l'édifice. 

L'intensité des contrôles variera en fonction de l'importance des volumes des échanges sur le SNA en question et les possibilités d'accès par des non-professionnels au système.


3.2.5. - Obligation de coopération avec les autorités de tutelle 


Pour faciliter l'intégrité des marchés, la protection des investisseurs et la détection des abus, les opérateurs de SNAs devront se concerter avec leurs autorités de tutelle sur l'adoption de processus susceptibles de déceler les pratiques inéquitables et les abus du marché sur leurs systèmes.

Selon le CESR, l'opérateur de tout SNA doit être capable de fournir à l'autorité de tutelle de son pays d'origine les informations pertinentes afférant à ces processus. 

Il s'agirait par exemple d'informations sur les échanges au-delà de ce qui est requis par l'Article 20(1) de la DSI. Le CESR relève qu'il incomberait ensuite à cette autorité de communiquer de la manière appropriée avec les autorités concernées dans le pays hôte du SNA.

Les autorités de tutelle prendront en compte l'efficacité et l'efficience pour déterminer les mesures de surveillance.

Le CESR laisse à la discrétion des opérateurs de SNAs d'effectuer ce contrôle en indépendance, ou en concertation avec l'autorité chargée de la réglementation du marché réglementé sur lequel les instruments en question sont échangés, ou encore avec l'autorité de tutelle du marché réglementé auquel l'opérateur est admis dans son pays d'origine.


3.2.6. - Garanties de fonctionnement des systèmes et dispositions en cas d'incidents


Les opérateurs de SNAs doivent pouvoir démontrer que leur dispositif technique remplit les fonctions annoncées. Les systèmes doivent prévoir un dispositif de gestion des risques opérationnels. En particulier, tout système doit garantir l'exécution rapide et équitable des ordres tout en étant capable de traiter des variations importantes des volumes d'échanges.

Tout SNA comprendra des moyens satisfaisants pour traiter tout incident dans son fonctionnement. Pour atteindre ce seuil minimal, l'opérateur doit en tout cas instaurer un dispositif de contrôle interne de son fonctionnement en conformité avec ses propres engagements ainsi qu'un dispositif pour la récupération des données en cas d'incident. Les autorités auront la faculté d'exiger un système d'échange en réserve, notamment pour les SNAs négociant des volumes importants.

Il incombera aux opérateurs de SNA de protéger leur système contre les intrusions non autorisées susceptibles de compromettre la confidentialité ou l'intégrité des données.

Les exigences seront ajustées en fonction de l'importance des échanges sur le système par rapport au marché général pour tout instrument ainsi que des possibilités d'accès au système par les non-professionnels. 


3.2.7. - Compensation et liquidation


Les opérateurs de SNAs devront assurer que la répartition avec leurs utilisateurs des responsabilités pour l'exécution effective des opérations est claire. Mais l'opérateur n'a aucune obligation générale de garantie de bonne fin des procédures d'exécution des contrats. Par contre, lorsque les SNA accueillent des non-professionnels, il leur incombera de convaincre leurs autorités de tutelle de l'existence d'un dispositif (en interne ou en sous-traitance) efficient pour la compensation et de liquidation.


4. - Conclusion


Notre objet a été de démontrer comment l'évolution des SNAs illustre l'impact de la numérisation des informations sur le paradigme actuel de la régulation des échanges de valeurs mobilières.

Cette partie de la justification des monopoles ou oligopoles exploités à travers des centres d'échanges ou réseaux d'échanges, consacrés en UE en marchés réglementés, qui est traditionnellement fondée sur l'optimisation de la gestion de l'information, est remise en cause par la numérisation des informations. Il s'agit là d'une des explications de la montée en puissance des SNAs. 

Le défi posé aux législateurs et autorités de tutelle consiste à tirer le meilleur parti de la poursuite d'objectifs positifs mais qui s'excluent mutuellement : la réduction des risques à travers la meilleure liquidité sur des marchés centralisés contre le gain en efficience engendré par la concurrence, la transparence dont dépend l'équité contre la confidentialité qui favorise la rentabilisation de l'innovation. 

Dans le cadre réglementaire actuel, les SNAscreusent des fissures dans les distinctions piliers de l'édifice réglementaire communautaire que sont celle entre société d'investissement et marché réglementé, et celle entre professionnel et non professionnel.

Le CESR a adopté un ensemble de normes qui sont censées être incorporées dans la réglementation de ses Etats membres. Le CESR considère que tout opérateur de SNA serait en tout cas une société d'investissement au sens de la DSI. Ainsi les nouvelles normes ne s'appliquent qu'aux frontières du périmètre réglementaire actuel. Par conséquent, le débat sur les plus radicales des réformes est reporté.

Le contraste avec l'approche américaine est saisissant. La SEC encourage avec enthousiasme les innovations en moyens de communication qui réduisent les coûts des opérations et les barrières à l'entrée sur les marchés financiers à condition qu'elles ne compromettent pas la capacité des investisseurs de prendre des décisions informées. Par contre, les autorités européennes manifestent réticence à entreprendre les réformes qui optimiseraient les possibilités offertes par les nouvelles technologies de communication, dont celle par exemple dans le cas des SNAs de réduire la taille des structures.


DANIEL ARTHUR LAPRES

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[1]Deux exemples souvent cités sont http://www.archipelago.com et http://www.instinet.com.
[2] http://www.brokertec.com/newsite/gateway/index.cfm
[3] http://www.tradeweb.com/
[4] http://www.mtsamsterdam.com/content/body.html
[5] http://www.euromts.com
[6] L'Annexe, Section B définit valeurs mobilières comme correspondant aux
1. parts d'un organisme de placement collectif.
2. instruments du marché monétaire.
3. contrats financiers à terme (futures) y compris les instruments équivalents donnant lieu à un règlement en espèces.

4. contrats à terme sur taux d'intérêt (FRA).

5. contrats d'échange (swaps) sur taux d'intérêt, sur devises ou les contrats d'échange sur des flux liés à des actions ou à des indices d'actions (equity swaps).

6. options visant à acheter ou à vendre tout instrument relevant de la présente section de l'annexe, y compris les instruments équivalents donnant lieu à un règlement en espèces. Sont comprises en particuliers dans cette catégorie les options sur devises et sur taux d'intérêt.

[7] D'admission à la cotation lorsque la directive 79/279/CEE est applicable[7] et, lorsque cette directive n'est pas applicable, les conditions à remplir par ces instruments financiers pour pouvoir être effectivement négociés sur le marché,
[8] Le rattachement se pratique par application de l'ensemble des critères suivants:
- l'investisseur réside habituellement ou est établi dans cet État membre,
- l'entreprise d'investissement effectue la transaction soit par l'intermédiaire d'un établissement principal ou d'une succursale situés dans cet État membre, soit dans le cadre de la libre prestation de services dans cet État membre,
- la transaction porte sur un instrument négocié sur un marché réglementé de cet État membre.
[9] Certes les États membres agissant ainsi ont le droit de laisser s'effectuer hors d'un marché réglementé les transactions. Les états membres peuvent subordonner l'exercice de ce droit à une autorisation explicite, compte tenu des besoins différents des investisseurs en matière de protection et notamment de la capacité des investisseurs professionnels et institutionnels à agir au mieux de leurs intérêts. Cette autorisation doit en tout cas pouvoir être donnée dans des conditions qui ne mettent pas en cause la prompte exécution des ordres de l'investisseur.
[12] COM (2000) 722.
[13] Article 5. Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, JO 98/C 27/02.
[14] Article 2.
[15] L'application de cette réglementation aux sites financiers est étudiée par l'auteur présent article dans Droit communautaire afférant aux services financiers en ligne, Lex Electronica, volume 8, numéro 1 (automne 2002), http://www.lex-electronica.org/articles/v8-1/lapres.htm
[16] Ainsi la durée d'exécution d'une commande de valeurs mobilières cotées en bourse passée est réduite chez certains courtiers en ligne à une seconde. Or on voit mal comment toute opération ne durant qu'une seconde pourrait impliquer des coûts marginaux significatifs.
[17] Même pour les propriétaires de droits de propriété intellectuelle, la protection de leurs droits n'est pas simple, comme en témoignent l'affaire Napster et ses séquelles Nutella, Kazaa et autres.
[18] L'actuelle concentration des courtiers en ligne illustre notre propos.
[19] Il s'agit par exemple des obligations de communication par les SNAs par rapport aux flux des échanges sur leurs systèmes.
[20] Communiqué de presse CESR/02-042, http://www.europefesco.org.

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